Seyni Nafo est conseiller spécial du Président Ibrahim Boubacar Keïta et chef de file des négociateurs africains sur le climat

Seyni Nafo: « Le changement climatique n’est pas lié aux déchets plastiques »

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Chef de file des négociateurs africains sur le climat et conseiller technique du président de la République, Seyni Nafo évoque les enjeux du changement climatique.  

«Enjeux climatiques, la jeunesse en parle». C’est le thème de la conférence-débat organisée par la JCI Bamako. Une conférence animée par le jeune ambassadeur, Seyni Nafo, chef de file des négociateurs africains sur le climat et conseiller technique à la présidence de la République.  Contrairement à ce que beaucoup pensent, selon le conférencier, Seyni Nafo, le changement climatique n’est lié ni aux déchets plastiques, ni aux problèmes d’assainissement. Pour lui, le dérèglement climatique est plutôt lié au changement de la balance du climat.

Le premier enjeu selon lui, est d’ordre géophysique. «Le dérèglement est lié au changement des paramètres du climat. Par exemple pour des pays qui dépendent de la gestion des ressources naturelles, vous changez la balance des écosystèmes sur dix, vingt ans, il y a problème», a-t-il expliqué. Pour pallier ce problème, ajoute-t-il, des négociations sont en cours sur la géo-ingénierie. «C’est à dire comment créer des technologies pour jouer sur ces paramètres physiques. C’est presque qu’un film de science fiction», a-t-il détaillé.

Le deuxième enjeu selon le conférencier est d’ordre économique. À titre d’exemple, rappelle-t-il, en 2013 et 2019, Bamako a connu deux inondations avec plusieurs dizaines de morts et d’énormes dégâts matériels.  Au-delà du seul cas du Mali, d’après l’ambassadeur Seyni Nafo, l’année dernière le coût des catastrophes naturelles était à peu près estimé à 400 milliards de dollars américains. Un chiffre qui à ses dires cannait chaque année une augmentation d’environ 50%.

Face à cette croissance vertigineuse du coût des dégâts engendrés par les catastrophes naturelles, selon le conférencier, de plus en plus les spécialistes s’interrogent si un jour les compagnies d’assurance ne vont pas faire faillite. «Une fois un ministre de la République Dominicaine m’a raconté, que son pays a eu deux cyclones en deux ans. Et le pays a perdu plus 100% de son PIB. Les ponts sont tombés, des routes, des immeubles des câbles électriques dévastés, etc. Ce sont les types de menaces auxquelles certains pays sont confrontés», a rappelé le conférencier. Par exemple, explique le conférencier, pour des pays comme la Chine le coût des besoins en énergies renouvelables se chiffre entre 400 à 500 milliards de dollars par an. Et il n’y a pas de PTF capable de donner une telle somme à un pays.

«Le conflit au Mali est lié à la dégradation des ressources naturelles»

«Aujourd’hui, la Chine est l’un des pays qui achète la dette des pays développés. Mais quand vous rencontrez le premier ministre chinois, il vous dira qu’ils sont prêts à lutter contre le dérèglement climatique mais qu’aucun bailleur de fonds n’est en mesure leur donner 400 ou 500 milliards de dollars par an. Alors que des pays viennent voir la Chine pour financer leurs dettes. C’est ça un le paradoxe», a détaillé Seyni Nafo. Toujours sur le plan économique, selon lui la difficulté c’est aussi le fait que l’économie mondiale est basée sur les énergies fossiles.

«Que ce soit dans le domaine des transports, de l’industrie on est dans «un monde carboné». D’ailleurs les économistes nous disent qu’il y a une corrélation parfaite entre la croissance économique et la croissance de l’émission du gaz à effet de serre. Parce que plus l’industrie est développée, plus elle a besoin d’énergie», explique-t-il. Et du coup, selon l’Ambassadeur Seyni Nafo, les pays en développement sont dans une position assez compliquée. Et pour cause, soutient-il, ils n’ont pas encore fini de mettre en place les fondements de leur développement et des infrastructures. «Quand vous prenez des pays comme la France ou les États-unis d’Amérique une bonne partie du développement peut être portée par les services, car les infrastructures sont déjà en place. Mais nous nos pays sont toujours au point de départ. Par exemple, pour avoir une économie numérique, il faut de l’Internet très haut débit. Et pour cela, il faut du courant en permanence. Donc nous avons besoin de beaucoup d’énergie pour nous développer», a-t-il déclaré.

L’Afrique seule a besoin d’une enveloppe entre 35 et 75 milliards de dollars par an pour que le plus grand nombre de ses populations ait accès à l’électricité d’ici dix ou vingt ans.

Le troisième enjeu du changement climatique, pour Seyni Nafo est d’ordre politique. Car selon lui,  les États doivent prendre en compte dans leur politique de développement l’impact du changement climatique sur le quotidien des populations. Pour exemple, il a rappelé le conflit au Nord et Centre du Mali, qui d’après l’actuel ministre de l’Environnement serait lié à l’accumulation de la dégradation des ressources naturelles sur les dix, vingt, trente dernières années.

«La population a augmenté, le cheptel a augmenté et nous avons moins de ressources, moins de bourgoutière, le fleuve Niger n’est plus ce qu’il était. Mais entre temps la population a triplé. Si vous ne prenez pas en compte dans votre politique de développement qu’il peut y avoir une année de mauvaise saison, vous pourrez perdre dix ans de gain», a prévenu le conférencier.Cependant selon lui, les menaces sont des opportunités à se surpasser.

Le Jalon

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