La COVID-19 et la crise sécuritaire ont mis à mal L'industrie hôtelière, image illustrative
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Industrie hôtelière et crise Covid-19 : un personnel féminin entre doute et espoir !

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Perdue dans ses pensées devant un kiosque de produits de beauté, Fanta, entourée de ses deux enfants, tente de se reconstruire une nouvelle vie, depuis cinq mois. La pandémie de la COVID-19 est à l’origine de la perte de son emploi qu’elle exerçait, depuis 10 ans, dans un grand hôtel de la place. « Je tente de reconstruire ma vie ici, mais la réalité quotidienne marquée par la rareté des clients, m’indique que j’ai encore du chemin à faire. Mais je n’ai pas le choix, je m’accroche dans l’espoir d’un lendemain meilleur ». D’autres femmes qui ont pu garder leur poste, malgré la crise, restent prudentes sur leur sort  tant les entreprises hôtelières restent très fragiles, à cause des crises sécuritaire et sanitaire.

Conformément à plusieurs résultats d’enquêtes, notamment menées par le Conseil national du patronat du Mali (CNPM), la direction nationale de l’hôtellerie et du tourisme, l’industrie hôtelière ne se porte pas mieux, depuis les premières heures de la pandémie du coronavirus : les fermetures des frontières, les mesures barrières et le couvre-feu  ont mis à mal un secteur économique qui fait pourtant vivre de nombreuses personnes, dont des femmes.

Le coup d’arrêt

La pandémie à coronavirus a atteint le Mali à partir de mars 2020. Pour contenir sa propagation, l’Etat malien a pris certaines mesures lors de la session extraordinaire du conseil supérieur de la défense nationale, tenue le 17 mars 2020. Il s’agissait, selon un responsable de la direction du tourisme et de l’hôtellerie, de cinq mesures, dont trois concernent directement le secteur du tourisme, à savoir : la suspension jusqu’à nouvel ordre, des vols commerciaux en provenance des pays touchés, à l’exception des vols cargos ; la suspension jusqu’à nouvel ordre, de tous les regroupements publics y compris les ateliers, les colloques, les séminaires, les meetings populaires et la fermeture jusqu’à nouvel ordre des boites de nuit et bars dancings. Ces différentes mesures, poursuit-il, ont causé un véritable coup d’arrêt à l’activité touristique et hôtelière.

Bien avant la pandémie de la COVID-19, l’industrie hôtelière du Mali était confrontée à une multitude de difficultés, notamment la fragilité de l’environnement sécuritaire marqué par des prises d’otages, des conflits entre communautés, des attaques terroristes contre les installations touristiques.

Portée de la pandémie sur l’industrie hôtelière

Avec l’adoption des mesures restrictives par l’Etat pour freiner la propagation de la pandémie lors de la session extraordinaire du conseil supérieur de la défense nationale tenue le 17 mars 2020, le secteur a fortement été affecté.  Ce fut le début d’une aventure pour le secteur dont personne ne mesure pour l’instant les conséquences, malgré quelques enquêtes menées. 

Comme nous l’indique cette gérante d’un hôtel dans la zone ACI 2000.  Ici, dit-il, l’hôtel rapportait plusieurs centaines de millions de francs CFA chaque année contre quelques dizaines seulement cette année. Selon elle, les séminaires, colloques, rencontres internationales et autres formations, qui étaient les principales sources de recettes, se font par visioconférence, à cause du coronavirus. Toute chose qui s’est naturellement répercuté sur les contrats de travail des agents féminins comme masculins.

En juin 2020, dans un rapport, la direction nationale du tourisme et de l’hôtellerie, estime à 179 233 272 francs CFA, la masse salariale  devant être perçue par les employés en arrêt de travail, pour les trois derniers mois (mars-avril-mai).

Le prix des mesures restrictives

Parmi ces employées en situation de perte d’emploi figure Fanta, désormais promotrice d’une boutique de produits de beauté. 

 Après une dizaine d’années de service, elle a été licenciée, après un congé technique. Face à la réalité de la vie, les charges de sa famille, elle se sent obligée de tenir le coup.

« Nous avons tout fait pour dissuader la direction, mais il n’y avait pas une autre issue. C’est pourquoi je tente de reconstruire ma vie ici, mais la réalité quotidienne marquée par la rareté des clients, m’indique que j’ai encore du chemin à faire. Toutefois, je compte m’accrocher dans l’espoir d’un lendemain meilleur ». 

Autre lieu, presque même réalité. Pour Madame DIANE, travaillant à l’hôtel Sud de Korofina, la prononciation du terme covid-19 lui coupe le sommeil.

« Cette maladie a bouleversé tous chez moi ici. Parce que, la majorité de nos clients sont des hommes et des femmes d’affaires venant de l’extérieur. Depuis l’avènement de la pandémie de la Covid, ces gros clients  ont déserté. Ce qui a beaucoup joué sur notre chiffre d’affaires. Ce qui nous a poussés à réduire nos effectifs afin de sauver l’entreprise de la fermeture totale. Malgré tout, nous avons du mal à payer le peu de travailleurs qui nous reste. Ce qui se solde souvent par des retards de salaires. Trois de nos femmes employées nous ont même quitté ».

Par contre, à l’hôtel Colombus, on soutient que malgré la rareté de la clientèle et toutes les difficultés financières, consécutives à la pandémie  à coronavirus, la direction de la structure a pu maintenir l’effectif d’avant la crise.

Selon Mme Assan Doumbia, restauratrice, rencontré par le Jalon, sur place, il y a plus de peur que de mal, du moins pour les agents : « Au début de la Covid-19, tous les travailleurs avaient la peur bleue au ventre. Parce que, les rumeurs circulaient déjà que le patron allait suspendre les salaires. D’autres pensaient même qu’il allait licencier beaucoup de salariés. Mais tel ne fut pas le cas. Sincèrement, depuis l’avènement de la Covid-19 jusqu’à maintenant, nous percevons nos salaires régulièrement. Mais nous savons que cette maladie a impacté sur la clientèle. Malgré ces difficultés, nous n’avons pas encore accusé de retard de paiement de salaire ».

Selon Assan Doumbia, les femmes de cet hôtel n’ont eu recours à un quelconque soutien extérieur parce que ‘’la dizaine de femmes employées perçoit toujours son salaire régulièrement et à temps’’.

Un secteur abandonné ?

Interrogé sur la situation précaire des entreprises hôtelières, un responsable de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière du Mali (FNIHM) estime que le c’est la COVID-19 qui est venue enterrée un secteur déjà en mise à mal par la crise sécuritaire qui mine le pays, depuis 2012.

« Nous n’avons reçu aucune forme d’assistance. Par contre, nous ne pouvons que nous adapter à la situation, avec toutes les conséquences que cela engendre. L’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta nous avait promis un fonds. Malheureusement, il y a eu un changement de régime qui a tout chamboulé», nous a-t-il confié.

Pendant ce temps, poursuit le responsable, les impôts réclament à certains les impayés de 2016, 2017 et 2018. Les regards sont désormais tournés vers le gouvernement de transition, à travers le ministère de la Culture, de l’artisanat et du tourisme, dira-t-il.
Il faut noter que dans un rapport d’évaluation de l’impact de la Covid-19 durant un mois (mi-avril à mi-mai 2020), de la direction nationale du tourisme et de l’hôtellerie, il ressort que 1 856 entreprises et 14 089 emplois directs ont été affectés par la crise. En tout, 13 231 personnes ont marqué un arrêt de travail pour un cumul de salaires estimé à 2,2 milliards de FCFA pour les employés en arrêt de travail de l’ensemble du secteur. Le rapport fait ressortir 94% du personnel en arrêt de travail, contre 6% d’emplois maintenus. Pour y faire face, le ministère de l’Artisanat et du Tourisme, à l’image de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), préconise, dans son document intitulé : «Synthèse du rapport général d’évaluation de la crise de la pandémie de Covid-19 sur le secteur du tourisme du Mali», la mise en place d’une subvention d’Etat pour le paiement des charges fixes des entreprises sur trois mois, un gel et l’échelonnement des échéances fiscales (impôt sur les sociétés, sur les bénéfices industriels et charges sociales) et la mise en place d’un fonds pour la relance du secteur du tourisme.

« Cet article est publié avec le soutien de JDH – Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada »