Promotion de l'emploi des jeunes au Mali, à travers la méthode HIMO. Une visite de chantier d'un ministre
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Crise COVID-19 : Le marché de l’emploi plombé

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L’emploi des jeunes est l’un des principaux défis auxquels le Mali est confronté avec une population dont 83,6 % a au plus 40 ans et 65,5 % a moins de 25 ans (EMOP 2018, 3ème passage). Cependant, depuis des décennies, en raison de la combinaison de plusieurs facteurs, le marché du travail ne parvenait plus à absorber tous les jeunes diplômés et non diplômés, comme nous l’indique le document « Analyse rapide des impacts socio-économiques du COVID-19 au Mali » des Nations-unie, draft du 10 mai 2020… La crise de la Covid-19 et l’absence de perspective de la part de l’Etat n’ont fait que plomber un marché déjà en difficulté.

Les conséquences de la pandémie du coronavirus, combinées à celles de la crise politico-sécuritaire ont brisé l’espoir de nombre de ces milliers de jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi chaque année. Que fait l’Etat du Mali pour minimiser le chaos social. Alors que de nombreuses entreprises ont eu du mal à garder leurs effectifs normaux, les nouveaux demandeurs d’emploi ont du mal à se faire une place au soleil sur le marché de l’emploi, en ce temps de COVID-19.

43,6% des pertes d’emploi

Selon une source à la direction nationale du travail (DNT), entre le 1er avril et le 4 juillet 2020, 4 844 déclarations de mise au chômage technique des employés ont été enregistrées par la structure.

Quant au rapport mensuel de l’enquête sur le Coronavirus sur les conditions de vie des ménages au Mali, réalisé en juin 2020, il indique que parmi les personnes qui ont perdu leurs emplois, la Covid-19 en est la cause pour 43,6%.

Une source de l’Observatoire national de l’emploi (ONEF) en déduit que la Covid-19 est la principale cause enregistrée des pertes d’emploi sur la période. Ce taux est de 50,4% à Bamako et 39,4 % en milieu rural, nous précise la source.

Les entreprises familiales ont aussi été impactées par la crise de coronavirus, selon le Rapport mensuel de l’enquête de juin 2020. En effet, la même enquête montre qu’au plan national, 4,9% des ménages possédant une entreprise familiale ont déclaré une perte du revenu par rapport au mois passé, due à la pandémie de coronavirus. Cette proportion est de 11,2 % à Bamako et seulement de 3,4% en milieu rural. Si des efforts spécifiques ont été faits pour soulager des ménages, tel ne semble pas le cas pour les nouveaux demandeurs d’emploi.  En tout cas, au cours de ses investigations, aucune initiative, dans ce sens, n’a été signalée au Jalon.com.  

Une question de sécurité nationale

A la direction nationale de l’emploi, un responsable qui a voulu garder l’anonymat, nous précise que pour relever les nombreux défis liés à la problématique de l’emploi des diplômés, plusieurs programmes et projets ont été initiés, depuis des années, par le gouvernement, notamment le Programme Emploi Jeunes (PEJ), le Projet de Développement de Compétences et Emploi des jeunes (PROCEJ) le projet de Formation professionnelle, Insertion et appui à l’Entrepreneuriat des jeunes Ruraux (FIER), le Fonds d’appui à la formation professionnelle (FAFPA), en cohérence avec le Cadre Stratégique pour la Relance Economique et le Développement durable (CREDD), la Politique Nationale de l’Emploi, la Politique Nationale de la Formation professionnelle…

Toutefois, en dépit des résultats positifs enregistrés par ces différents programmes, le niveau d’insertion des diplômés n’était pas encore très satisfaisant, avant la pandémie du coronavirus. Même si l’on reste convaincu au sommet de l’Etat que l’emploi des jeunes reste une priorité assimilable à une question de sécurité nationale, il nous revient qu’à part les dispositions précitées, les jeunes diplômés ne bénéficient d’aucune autre forme d’assistance de la part de l’Etat pour faire face aux conséquences de la pandémie du Coronavirus.

Comme nous le confirme Fanta Diallo, titulaire d’une licence à la FDPRI de Bamako, depuis deux ans : « tous les jours nous restons l’écoute de la chaine nationale, nous fouillons sur les réseaux sociaux, les sites des structures d’offres d’emplois. Nous sommes toujours à l’attente d’une perspective salutaire. La crise de la COVID-19 a gâché tout le business ».

A l’Agence pour l’emploi des jeunes (APEJ), une structure étatique chargée de promouvoir l’emploi des jeunes, à travers la formation, la création de microentreprises, on estime que les activités n’ont pas beaucoup souffert des conséquences de la Covid-19. Toutefois, une responsable contactée par le Jalon.com, soutien qu’il n’y a pas eu d’initiative spécifique de création d’emploi pour les jeunes, dans le cadre de la pandémie de la COVID-19. Selon elle, la structure a plutôt poursuivi ses initiatives de soutien à la promotion de l’emploi des jeunes.

« C’est dans ce cadre que nous avons par exemple investi 150 millions de francs CFA à Mopti, dans les activités à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) (curage des caniveaux, posage de dalle…) Aussi, 500 entreprises fragiles recensées ont été accompagnées grâce au soutien de la banque mondiale, en raison de 300 000 francs CFA par entreprise », dira-t-elle. Comme l’on peut ainsi le comprendre, aucune initiative COVID-19 ne nous a été signalée dans le cadre de l’appui spécifique aux jeunes diplômés.

50 mille emplois/300 000 offres de main-d’œuvre

Selon Moussa Therra, un autre diplômé sans emploi qui s’essaie dans la vente des cartes de crédit orange et Malitel au quartier de Magnambougou, les importantes mesures annoncées par le président de la république en faveur des ménages et des entreprises, aux premières heures de la crise n’a pas profité aux jeunes. A part les quelques concours de recrutement aux différents corps des forces armées et de sécurité, il n’y a aucune perspective pour les jeunes.  

Des jeunes stagiaires de l’Agence pour l’emploi des jeunes (APEJ) de la région de Mopti

Le document « Analyse rapide des impacts socio-économiques du COVID-19 au Mali » des Nations-unie, draft du 10 mai 2020, prévient que la crise COVID-19  fragilise encore plus les perspectives de développement du pays, car le nombre d’emplois créés chaque année (moins de 50 000 emplois) ne peut pas absorber l’offre de main-d’œuvre (300 000).

« L’indice du capital humain montre que le Mali a l’un des plus faibles indices au monde, se classant 154ème sur 157 pays. Les carences en matière de santé et d’éducation sont des facteurs clés de la sous-performance du pays dans l’indice du capital humain. Les effets directs et indirects de l’épidémie compromettent encore davantage le développement de ce capital et les progrès vers les Objectifs de Développement Durables. La crise va pousser 800 000 personnes de plus dans la pauvre », s’indigne le rapport d’enquête.

Il faut dire que la pandémie de la COVID-19 affecte profondément le Mali. La contraction économique enregistrée risque d’affecter la capacité de l’Etat à mobiliser les ressources domestiques nécessaires à son développement. Une augmentation brutale des pertes d’emploi observées, en particulier dans les secteurs tertiaire et secondaire, devraient être compensée par des mesures fortes d’accompagnement de la part de l’Etat pour les entreprises privées qui absorbent en grande quantité la main d’œuvre.

« Cet article est publié avec le soutien de JDH – Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada ».