Arrivée à la tête du pays, pour, dit-elle, parachever une révolution populaire, la junte militaire, dirigée par le colonel Assimi Goïta, ne parvient toujours pas à redonner espoir à une population malienne, de plus en plus désillusionnée, face au chaos et à la brutalité d’un quotidien de crise désormais aux allures endémiques. Redoutant les contrecoups d’un tel régime batailleur, elle n’est plus dupe face aux chimères d’un hypothétique Mali Kura.
Les bambara contre les Peulhs qui sont aux prises avec les Dogons, les musulmans contre les chrétiens, les Kémites contre… Bref, l’idée même d’une communauté nationale est en passe de voler irréversiblement en éclats. Mali, en ces derniers temps, vit des temps sombres. Une parfaite illustration de la dégradation constante de la situation notamment sécuritaire, vécue par les populations maliennes aux quatre coins du pays, surtout depuis que les militaires de Kati ont pris le pouvoir.
Eh bien ! Tout cela est inquiétant, et même très inquiétant, car la chose est bien sérieuse ! Et pour cause ? Au début, à la prise de pouvoir par les armes, les militaires ont affirmé à qui veut l’entendre qu’ils n’ont « aucune intention de s’éterniser au pouvoir », estimant que leur place était ailleurs, « au front pour libérer le pays » du joug des envahisseurs, et qu’ils sont simplement venus pour « parachever la lutte populaire ». L’heure était à l’euphorie pour la refondation du pays, pompeusement annoncée sous les traits flatteurs du « Mali Kura ».
A coup de faconde guerrière revendiquant une souveraineté de pacotille, le concept du « Mali Kura » a été forgé de toutes pièces, en laissant croire aux Maliens, acquis à toute idée de changement fondamental dans la gouvernance d’Etat, que le problème du nord sera résolu, l’intégrité du territoire recouvrée et la sécurité restaurée.
Une junte plus oratrice qu’opérationnelle
Très vite cependant, au fur et à mesure que les militaires raffermissaient durablement leur mainmise sur les leviers du pouvoir, la machine étatique s’est grippée. Et de plus en plus, ça n’étonnait plus personne que cette junte militaire, plus oratrice qu’opérationnelle sur le terrain, face à la progression constante et victorieuse des terroristes, ne soit plus en mesure de calmer, ne serait-ce que par un début de solution, le désarroi d’une population civile, désormais prise au piège d’une insécurité récurrente à multiple visages.
Le jihadisme violent et meurtrier, ravageant les contrées et les populations de Tombouctou, à Tessit dans la zone des Trois Frontières, en passant par Gao, n’épargne désormais plus aucune contrée du pays. Le centre du pays, ainsi qu’une partie importante du centre-sud, échappent totalement au contrôle de l’Etat, sur fond d’escarmouches récurrentes dans diverses parties du sud même. La junte militaire au pouvoir tente pourtant d’imposer, l’image d’Epinal d’un régime combatif, sûr et déterminé ayant une nette maitrise du terrain. Pourtant, les plus lucides au sein de l’opinion malienne s’interrogent sur la qualité de la sécurité, censée être assurée par l’Etat et son armée, une armée du peuple et pour le peuple, comme celui-ci en avait eu l’illusion dans son soutien aveugle à une junte et à ses fallacieuses promesses d’être maîtresse du terrain sur le moindre recoin du vaste territoire national.
L’armée malienne, sous les ordres de la junte militaire du colonel Assimi Goïta, en dépit d’une prétendue montée en puissance, brandie à tous vents, s’est heurtée à plus féroce qu’elle. L’incurie de la hiérarchie, rejaillissant sur la troupe n’a laissé aujourd’hui d’autre choix aux populations civiles de nombreuses localités, abandonnées à leur sort, que de transiger tout simplement avec des groupes terroristes armés.
Du coup, dans ces localités, des voix s’élèvent, de plus en plus véhémentes, pour dénoncer l’indifférence et surtout l’abandon d’un l’Etat, qui se voile la face et surtout devient aussitôt répressif pour étouffer les velléités de protestation d’une population désemparée. Au contraire, toutes les fois que la junte de Kati pressent un infléchissement par lassitude, elle s’empresse d’entretenir, à coups de poncifs et de billevesées, le mensonge d’Etat afin de fouetter et d’aiguiser un orgueil national ramollissant.
Insécurité croissante et défiance de la population
Avec eux, et pire qu’avec le régime qu’ils ont renversé, il y a un peu plus de deux ans, le Mali et son armée sont de nouveau confrontés à de difficiles épreuves. Il est donc évident, dans ces moments de trouble sécuritaire généralisé, que la guerre est une chose beaucoup plus complexe, plus douloureuse en terme de sacrifices, comme en ont toujours averti les spécialistes en la matière, pour en déduire le déroulement meurtrier et violent, par des slogans, d’anathèmes forgés, voire de mensonges éhontés ou de menaces télécommandées, sous les consignes d’un Etat qui a perdu la main, et du terrain avec.
En tout état de cause, les soldats de l’armée malienne, qui tombent au champ de l’honneur pour tenter de sauver leur pays, demeurent, par leur sacrifice, le symbole de la fierté nationale parce qu’ils sont issus de tous les recoins de la société malienne.
C’est bien à cause de cette conscience nationale accrue, pour le sacrifice ultime des vaillants combattants de l’armée malienne, qu’il est important de savoir, en toute épreuve, que le peuple du Mali est mature et qu’il faille lui parler comme tel.
Au lieu de persister dans les mensonges de la « Dire Pas », entendez-là DIRPA (Direction de l’Information et des Relations Publiques de l’Armée), autour des succès imaginaires des FAMA, sur la prétendue peur bleue que l’EIGS éprouverait face à l’Etat, sur les bilans coloriés de l’action militaire sur le terrain, il aurait été plus seyant d’éviter le maquillage verbal, totalement improductif, dans la volonté de créer une réelle et profonde symbiose entre l’armée et le peuple, duquel elle est issue.
Il y a là, dans ce décorum sécuritaire, complètement ahurissant, le drame vécu au quotidien par un pays meurtri. Nombre d’observateurs avisés opinent que le Mali, avec ces militaires au pouvoir, n’est certainement pas sur la meilleure voie de son redressement.
Voilà pourquoi l’on ne peut s’empêcher de s’interroger, sur l’apport, dans la restauration de la sécurité du pays, des sauveurs providentiels que sont les russes, instructeurs, comme la junte persiste à le faire croire, ou des mercenaires grassement rémunérés, tels que dénoncés dans les chancelleries occidentales.
Où sont-ils ? Que font-ils ?
En définitive, la junte militaire au pouvoir va devoir faire le compte des montants exacts dévolus à cette ‘’coopération des instructeurs russes’’ ainsi que des nouvelles acquisitions du matériel militaire russe (sur lequel le Premier ministre Choguel Maïga a avoué ne pas savoir le coût réel des engins russes, arguant que cela relèverait du secret des militaires). En particulier, la junte va devoir expliquer aux Maliens les résultats tangibles de ce soutien russe sur la capacité opérationnelle des FAMA sur le terrain.
Il y va de la crédibilité des militaires au pouvoir.