Loi 052 et la promotion de la femme au Mali, Photo illustrative.
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Loi n°052 : Les femmes face aux défis de la cohésion !

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De la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, à Beijing en 1995, à ce jour, le combat pour l’égalité des genres a fait du chemin au Mali. Des engagements internationaux ont été paraphés, d’importantes lois et autres textes adoptés au plan national, dont la loi n°2015-052/du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. Malgré les efforts, six ans après son adoption, l’écart reste grand entre femmes et hommes, au niveau des fonctions électives et nominatives.

Pour améliorer la représentativité des femmes dans les instances de prise de décisions, dans la logique du respect de ses engagements nationaux et internationaux, le Mali a adopté, en 2015, la loi n°2015-052/du 18 décembre 2015. Il est attendu de ce dispositif législatif, une réduction considérable des écarts entre hommes et femmes dans les instances de décisions. Ainsi, elle stipule dans son article premier : « A l’occasion des nominations dans les institutions de la république ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, par arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou l’autre sexe ne doit pas être inférieur à 30% ». L’Article 2 de la même loi stipule : « A l’occasion de l’élection des députés de l’Assemblée nationale, des membres du Haut conseil des collectivités territoriales, aucune liste d’au moins trois personnes présentée par parti politique, groupement de partis politiques ou groupement de candidats indépendants n’est recevable si elle présente plus de 70% de femmes ou d’hommes… »

Cette loi a suscité beaucoup d’espoir dans le milieu des organisations féminines et des organisations de défense des droits des femmes.

L’euphorie :

Adoptée dans le sillage des élections communales de 2016, elle aura permis de galvaniser les femmes pour ces compétions électorales. C’est ainsi que plus de 200 femmes ont pu se faire faire élire comme conseillères, pendant sa toute première année d’application. Aussi, lors de la 6ème législature, pas moins de 41 femmes ont également été élues comme députés à l’Assemblée nationale. Ce qui équivaut à 29,44 % des effectifs des élus de la nation, soit un taux légèrement inférieur aux 30% recherchés par la loi n° 2015-052/ du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. C’est un net progrès, par rapport aux législatives de 2013 où elles ne représentaient que 14 femmes, selon le Centre national de documentation et d’information sur la femme et l’enfant  (CNDIFE).

Mme MAIGA Sina DEMBA du Réseau des Femmes ministres et parlementaires pense que cette loi est une vraie chance pour les femmes maliennes, surtout dans le domaine politique.

« Les législatives du 29 mars 2020 ont vraiment été spécifiques pour nous (femmes) avec l’application effective de la loi 052. Nous avons fait un boom spectaculaire parce que nous nous sommes retrouvées avec au moins une quarantaine de femmes députés à l’Assemblée nationale. Donc, la mesure est plus que bénéfique », s’est-elle réjouie.  

Les femmes mobilisées

« Les femmes ont un rôle essentiel à jouer dans le développement. Elles sont au début et doivent être à la fin dans tous les processus de développement. Toutefois, nous avons constaté qu’elles sont utilisées pour déclencher un processus de développement et après elles sont mises de côté, car absentes dans les instances de prise de décisions. C’est pour cette raison que nous avons jugé nécessaire de l’élaboration de cette loi, qui est une aubaine pour toutes les femmes, puisqu’il s’agit des instances électives et nominatives », s’est justifiée Mme Sangaré Oumou Bah, ancienne ministre de la Promotion de la femme, non moins initiatrice de ladite loi.

Si pour le président du parti Convergence pour le développement du Mali (CODEM), Housseini Amion GUINDO, le nombre de femmes élues de son parti a triplé, au niveau des collectivités, à la faveur de la loi N°052, il n’en demeure pas moins que des efforts restent à faire pour une égalité parfaite entre les femmes et les hommes dans les instances nominatives et électives, condition d’un développement rapide et harmonieux de notre pays. Cette loi, constate-t-il, reste confrontée à certaines difficultés, notamment : le manque de cohésion au niveau des femmes et leurs organisations pour la défense de leurs droits, le faible niveau d’instruction, etc.

Comme lui, la présidente des femmes du parti pour Renaissance nationale (PARENA), Mme Tamboura Mah Keita, est elle aussi convaincue que les femmes sont souvent victimes de leur niveau d’instruction et de leur manque de confiance en elles-mêmes. Toute chose qui impacte négativement leur influence dans différents secteurs socio-économiques et politiques.

« Les femmes manquent aussi de formation et surtout de confiance en elles-mêmes. Un vieil adage de chez nous enseigne : « si tu n’as pas confiance en soi-même, qui va avoir confiance en toi ? » C’est d’ailleurs, dans ce cadre que j’ai initié beaucoup de formations en faveur des femmes afin de renforcer leurs capacités et d’élever leur niveau de confiance en elles-mêmes », a-t-elle confié au Jalon.

Manque de solidarité entre femmes

Quant à Fassery Traoré, membre de la direction de campagne de Mme Djénéba N’Diaye, candidate à la présidentielle de 2018, il soutient que la supériorité numérique des femmes au Mali, (51%) pouvait leur permettre d’équilibrer ou de pencher la balance, en leur faveur, en terme d’égalité, lors des compétitions électorales, si elles étaient unies, solidaires entre elles et conscientes du sens de leur lutte. Mais il n’en est rien pour le moment. Pour preuve, en 2007, poursuit-il, Mme Sidibé Aminata Diallo du REDD (Rassemblement pour l’Education au Développement Durable) s’est classée septième avec seulement 0,55% des voix contre respectivement 71,20% pour ATT et 19,15% pour son challenger IBK. En 2018, le même revers se répète pour les femmes, à travers l’unique candidature féminine de Mme Djéneba N’diaye, du mouvement Femme en Marche pour un Mali émergent. Elle ne récolte que 12 275 voix, soit 0,38% des suffrages exprimés contre 41,78% et 17,78%, respectivement pour Ibrahim Boubacar Keita et feu Soumaïla Cissé. Ces scores dénotent, à mon sens, un manque de solidarité entre les femmes qui préfèrent se mobiliser pour les hommes, a-t-il illustré.

Peut mieux faire !

Pour Mme Touré, professeure d’université, la loi souffre aussi souvent du manque de volonté des décideurs du jour. Elle en veut pour preuve : le gouvernement actuel qui comprend 6 femmes seulement contre 28 hommes, soit 21% contrairement à l’esprit de la loi 052 ; au Conseil national de transition, sur 121 membres, on dénombre 31 femmes, soit 25%. Ailleurs, on a 59 femmes sur 545 magistrats que compte le pays. Elle pense qu’une simple volonté des autorités pouvait permettre d’obtenir l’équilibre entre hommes et femmes, à ces différents niveaux.

Selon un responsable du ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, ratifier les conventions internationales, prendre les lois est une chose, mais la concrétisation en acte en est une autre. En tout état de cause, la loi elle-même est déjà un pas important dans l’atteinte des objectifs. Pour la loi 052, chère aux femmes du Mali et aux organisations de défense des droits des femmes, il faut la combinaison de plusieurs facteurs, dont la volonté politique, un niveau d’instruction important des femmes et enfin la cohésion entre ces dernières. C’est avec le temps que l’ensemble de facteurs vont être réunis pour réduire considérablement le faussé entre hommes et femmes pour un développement harmonieux de notre société.

Un processus !

Selon le responsable, le combat pour la promotion de la femme au Mali est un long processus. Ainsi, depuis plusieurs années, les femmes bénéficient de l’accompagnement des autorités, à travers des lois et textes favorables à leur promotion. A ce titre, dira-t-il, l’article 2 de la Constitution de février 1992 est illustratif : « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ». La loi 052 vient renforcer les dispositifs existants dans le cadre de l’élimination des inégalités entre les deux sexes.

A la lumière des différents témoignages et constats, il faut dire que face aux hommes, les femmes sont à présents incapables de faire preuve de solidarité, soit par jalousie ou par simple ego.

Malgré le nombre important de législations et de textes nationaux et internationaux ratifiés par le Mali pour protéger les droits des femmes, la réalisation de ces droits demeure un défi d’autant plus que la mise en application effective de la parité telle que voulu par la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) tarde à se concrétiser.

« Ce reportage est publié avec le soutien de JDH, Journalistes pour les Droits Humains et National Endowment for Democracy – NED ».