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Covid-19 : l’Afrique utilise-t-elle un vaccin différent de celui de l’Europe ?

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Le Mali, à l’instar d’autres pays africains, a lancé sa campagne de vaccination contre la COVID-19, le 31 mars dernier, sous la conduite de la ministre de la Santé et du développement social. Depuis, des rumeurs vont bon train sur les risques du vaccin anti-COVID-19 sur la santé des personnes vaccinées. Combien de type de vaccins anti-covid-19 sont en usage, à travers le monde? Lequel est le plus utilisé en Afrique, en général et au Mali, en particulier, et pourquoi ?

Sous les projecteurs, le ministre de la Santé, Dr Fanta Siby, a reçu sa première dose d’Astrazeneca pour lancer la campagne de vaccination contre la Covid-19. C’était le 31 mars dernier. Ce jour-là, elle a été suivie de plusieurs autres personnalités sanitaires et des responsables des partenaires au développement. L’objectif : lancé un message d’assurance à la population. Ces gestes n’ont pas pourtant découragé les partisans de la théorie du complot qui çà et là développent des thèses contre la vaccination.

Rumeurs et infox

« Les vaccins anti-covid-19 en usage actuellement en Afrique sont dangereux non seulement pour la santé, mais aussi pour le développement du continent », avancent certains, à l’image de l’activiste Sékou Tounkara qui s’appuie sur des fausses informations pour décourager la population à se faire vacciner.

Une autre vidéo malveillante qui a fait le buzz sur les réseaux, une opération de vaccination du représentant des Nations-Unies en Côte-d’Ivoire. Capture d’écran du reportage polémique présenté par la RTI, lors d’une opération de vaccination contre la COVID en RCI.

Cet audio largement diffusée sur WhatsApp, à travers le « Réseau d’Experts Médias » du Mali, le 4 avril 2021, tente également de convaincre que la vaccination contre la Covid-19 est une affaire purement de Franc-maçonnerie :

S’il est difficile d’éviter l’impact de ces rumeurs sur la campagne de vaccination, Dr Youma Sall Coulibaly, conseillère à la santé publique au ministère de la Santé et du développement social affirme que l’opération en cours se passait bien. Preuve : à la date du 18 avril 2021, soit 20 jours après le lancement à l’hôpital du Point G, de la campagne de vaccination contre la COVID-19 au Mali, où le nombre de personnes vaccinées s’élevait à 38 508, en treize jours.

Il n’y a pas un vaccin pour l’Afrique !

Selon le président du comité scientifique, le Pr Seydou Doumbia, il y a beaucoup de vaccins utilisés aujourd’hui contre la Covid-19, à travers le Monde : Pfizer-BioNTech, Moderna, AstraZeneca, « Janssen » du laboratoire Johnson EpiVacCorona. Mais, le Mali a opté pour le vaccin Astrazéneca. Ce choix est justifié pour deux raisons qui sont liées à sa conservation, outre son homologation par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Astrazéneca se conserve, dit-il, comme les vaccins contre la polio que le pays a l’habitude d’utiliser. « Il est conservé entre 2 et 8 degré », a-t-il précisé. Face au nationalisme poussé qui s’est développé autour des vaccins anti-COVID-19, en Europe et même aux Etats-Unis, il a fallu un grand lobbying des organisations internationales comme l’OMS, l’UNICEF et le fonds Gavi pour que des pays comme le nôtre puissent avoir accès au produit, nous a-t-il fait savoir.

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« Si on devrait dépendre de l’Europe, on aurait pas de vaccin sur le marché. Donc, la question n’est plus aujourd’hui que l’Europe nous évacue des déchets ou du poison, puisque eux-mêmes sont loin d’être autosuffisants en la matière », a confié au Le Jalon, le président du Comité scientifique contre la COVID-19. Et selon lui, il n’y pas de vaccin pour Afrique ou pour l’Europe; C’est le même médicament pour l’humanité.

« Aujourd’hui, Astrazéneca est utilisé partout au monde, en Afrique comme en Europe. Certains diront que le nôtre est fabriqué en Inde. Il n’y a aucune honte à l’assumer, car le leadership de ce pays en matière de développement de ses firmes pharmaceutiques ne fait l’ombre d’aucun doute. Même la Russie et d’autres pays d’Europe y ont passé des commandes pour permettre de ravitailler leurs populations », a-t-il précisé.

76% de taux d’efficacité

Pour ce qui est des rumeurs, il y en a eu et y en aura toujours. Tant que l’on reste face à un changement, les rumeurs persisteront. Ces rumeurs ne sont ni propre au Mali ni à l’Afrique. Il s’agit là aussi d’un phénomène mondial, un autre enjeu du 21e siècle pour des esprits malveillants qui en font leur fonds de commerce, dira-t-il.

Pour le moment, le professeur Doumbia se fondant sur les données du laboratoire AstraZeneca concernant son essai de phase3 du vaccin anti-Covid, estime qu’il ressort une efficacité de 76% sur la forme symptomatique et 100% sur la prévention des formes grave de l’infection.  

Toutefois : « aujourd’hui, ce que je ne sais pas, c’est qu’on est protégé pendant combien de temps après la vaccination. Et ça, on ne saurait le déterminer sans la vaccination à grande échelle. Ce qui est important, c’est la surveillance des gens vaccinés, car tout produits pharmaceutique a ses avantages et ses inconvénients même l’aspirine. Ce qu’on ne dit pas aussi, c’est que malgré les rumeurs et les désinformations, on est à plus de 30 000 personnes vaccinées au Mali ».

L’UNICEF et l’OMS ont joué un rôle de premier plan dans l’acquisition, le conditionnement et la sensibilisation sur le médicament. A ce titre, ces deux organisations soutiennent  avoir fait l’essentiel pour le Mali, notamment en appuyant le gouvernement sans pour autant se substituer dans son choix. Selon Ismael Maiga, le chargé de communication de la représentation de l’UNICEF, le vaccin Astrazeneca choisi par le Mali est le produit anti Covid « le plus facile à conserver entre 2 à 8 degré Celsius ».

Contrairement à des rumeurs, la date de péremption de ce premier lot de vaccins arrivé au Mali n’est pas le mois d’avril, mais plutôt le jusqu’au 10 juillet 2020. Ce qui veut dire qu’il peut même servir à faire les rappels (2e tour de la campagne) », nous a confié M. Maïga. Il se dit convaincu que le vaccin utilisé au Mali ne serait pas de mauvaise qualité puisque lui et d’autres personnels de l’Unicef et même du système des Nations unies au Mali se sont déjà fait vacciner avec Astrazeneca.

« Je me suis fait vacciner pour des raisons qui me sont propres. L’acceptation de la dose par d’autres personnels du système des Nations-Unies au Mali est un signe de confiance à ce vaccin Astrazénéca», a-t-il conclu.

Ces propos sont confirmés par la Coordonnatrice Humanitaire et Coordonnatrice Résidente du Système des Nations Unies au Mali. Ainsi, depuis sa page Tweeter, mercredi 7 avril dernier, Mme M’Baranga Gasarabwe, Représentante Adjointe du Secrétaire Général pour la MINUSMA, Coordonnatrice Humanitaire et Coordonnatrice Résidente du Système des Nations Unies au Mali soutient : « j’ai été vaccinée ce matin avec le vaccin AstraZénéca. Je suis convaincue que la vaccination est le meilleur moyen de se préserver, préserver les autres, diminuer risque de complication grave du COVID 19 et diminue la chaîne de transmission au Mali« .

Une infirmière rencontrée également par le Jalon à l’hôpital du Point G assure avoir été vaccinée dans le but d’exercer son travail de prise en charge des patients en toute sécurité et de participer à la réduction de la chaine de transmission de la maladie, dans notre pays.

A l’opposé Siaka Diamouténé, mécanicien de moto, Faladiè Sokoro, continue de croire que cette maladie est une pure invention des occidentaux pour empêcher les Africains de reproduire comme ils le souhaitent. Sans chercher à comprendre que cette vaccination est pour le moment volontaire, il nous a confié : « j’ai sévèrement mis en garde toute famille de se faire vacciner contre une maladie qui n’existe que par les rumeurs. Cette vaccination n’est ni moins ni plus qu’une autre manière de transmettre à grande échelle les germes d’une maladie incurable ».

Egalement, Sofi Traoré, une obstétricienne dans une clinique à Magnambougou, nous a confié que son patron lui avait proposé d’aller se faire vaccine, « mais je n’ai pas voulu parce que j’ai toujours peur des effets secondaires des vaccins. En plus je déteste tout ce qui est injection, malgré mon statut de personnel de santé ».

La campagne de vaccination contre la COVID 19 au Mali a été lancée le 31 mars 2021 à l’hôpital du Mali avant de s’étendre aux grands hôpitaux, CSCOM et centres référence de la capitale. A la lumière des différentes interventions, il est clair qu’il n’y a pas un vaccin pour l’Afrique et un autre pour l’Europe ou l’Asie. Les pays commandent les vaccins selon leur conviction et les équipements et infrastructures dont ils disposent pour le conditionnement et la bonne conservation du produit.

Cet article est publié avec le soutien de JDH – Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada.

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