La question de la prolongation de la transition ravive des tensions au Mali entre les militaires au pouvoir et leurs soutiens et les politiciens pressés de prendre la relève après un sevrage difficile de quelques mois. Après la visite du médiateur de la CEDEAO, l’ex-président Nigérian, Good Loock Jonathan, à Bamako, ce 5 janvier 2022, tous les regards sont désormais tournés vers le prochain sommet extraordinaire de la CEDEAO sur le Mali, le 9 janvier. Au-delà de la CEDEAO, on apprend que l’Uemoa (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine) aussi doit se réunir toujours en rapport avec la situation au Mali. Depuis, c’est la peur au ventre chez les populations de voir cette organisation prendre des sanctions économiques contre notre pays.
L’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), explique un expert, constituée entre les Etats signataires, se caractérise par la reconnaissance d’une même unité monétaire dont l’émission est confiée à un Institut d’émission commun prêtant son concours aux Etats membres dans les conditions bien précisées. (Article 2 du Traité).
« D’une manière générale, indique-t-il, il y a lieu de noter que les Textes de l’UMOA, notamment le Traité instituant l’Union Monétaire Ouest Africain et les Statuts de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest n’ont pas prévu de façon explicite de sanctions, sous forme d’embargo économique et financier, à l’encontre d’un Etat membre », explique l’expert.
La conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres est « l’autorité suprême de l’UMOA » (Article 6). Dans le cadre de ses délibérations, la conférence peut prendre des décisions dénommées « actes de la conférence » (Article 8) avec toutefois une portée circonscrite (voir Article7).
En effet, selon lui, ce dernier article énumère tous les points de décisions relevant de la conférence des Chefs d’Etat en des termes présentés ci-après : (1) définition des orientations de la politique de l’UMOA ; (2) l’adhésion de nouveaux Etats membres, l’exclusion d’un Etat membre et le retrait d’un Etat membre ; (3) fixation du siège de l’Institut d’émission ; (4) toute question n’ayant pu trouver une solution par accord unanime du Conseil des Ministres.
A l’analyse, poursuit-il, un embargo économique décidé par les Chefs d’Etat et de Gouvernement, applicable à un Etat membre souverain, s’apparente à une violation délibérée du Traité de l’UMOA et des Statuts de la BCEAO, se fondant essentiellement sur l’appartenance à une union monétaire à laquelle l’Etat membre a transféré, en toute connaissance de cause, son pouvoir de battre monnaie et toutes décisions qui lui sont attachées.
Dans ce cadre, souligne l’expert, la BCEAO serait totalement en porte-à-faux avec ses Statuts, pour toutes applications de décisions autres que celles portant sur « ses objectifs et missions ».
Ainsi, selon l’article 8 de ses Statuts, « l’objectif principal de la politique monétaire de la Banque Centrale est d’assurer la stabilité des prix ». « Sans préjudice de cet objectif, la Banque Centrale apporte son soutien aux politiques économiques de l’UEMOA, en vue d’une croissance saine et durable. »
En outre, en se fondant sur l’article 35 de ses Statuts, « la Banque Centrale tient sur les places, où elle est installée les comptes des Trésors publics des Etats membres ». A cet égard, la BCEAO doit procéder sans frais à l’encaissement des sommes versées dans le compte du Trésor, au recouvrement des effets et chèques sur place, tirés ou endossés à l’ordre du Trésor public, au paiement des chèques et virements émis sur le compte du Trésor, aux transferts effectués sur ordre ou en faveur du Trésor publics.
Un embargo économique et financier, de par ses effets néfastes sur l’offre, pourrait alimenter et accélérer les tensions inflationnistes dans le pays, qui est en partage de la monnaie dont la défense de la valeur incombe à la Banque Centrale. En effet, un embargo économique et financier à l’encontre d’un Etat membre de l’UMOA produit inexorablement des effets inflationnistes qui contrastent avec les objectifs et missions visés par la BCEAO.
En conséquence, il importerait de conclure que toutes décisions non-conformes aux Statuts de la BCEAO et au Traité fondateur de l’UMOA ne peuvent être exécutoires légalement à l’encontre d’un Etat membre.
Aujourd’hui, la seule décision qui pourrait amener la BCEAO à refuser ou fermer ses guichets à un Etat membre, au regard de ses textes, est « l’exclusion d’un Etat membre » ou « le retrait d’un Etat membre de l’Union » à sa demande, décisions relevant toutes de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement.
Au demeurant, le Gouvernement, à travers son Ministre de l’Economie et des Finances, est en droit d’exiger de la Direction Nationale de la BCEAO, installée sur son territoire, d’ouvrir ses guichets et d’exécuter toutes les opérations présentées par ses clients notamment la DNTCP et les banques, en fonction des heures de vacation réglementées par le Siège de la BCEAO.
Par ailleurs, il y a lieu de noter avec notre expert « que les décisions de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union, dénommées « Actes de la conférence » sont prises à l’unanimité des membres (confère l’article 8 du Traité de l’UMOA). En conséquence, « toutes décisions relevant de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement exigent l’unanimité des membres et donc la participation ainsi que l’adhésion du Mali à la décision. Toutes décisions contraires à l’unanimité des membres seraient illégales par rapport aux « actes de la Conférence » et par ailleurs, infondées du point de vue légal », conclut-il.