L’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI), qui a rendu public ses rapports de 2019 et 2020, a transmis, au total, 9 dossiers à la justice, dont 3 la première année et 6 au titre de l’année 2020. C’est ce qui ressort de sa rencontre de ce 14 octobre 2021 avec la presse, au parc national, sur la route de Koulouba. Que contient ces dossiers.
Le déjeuner de presse était animé par le président de l’OCLEI, Moumouni Guindo, entouré pour la circonstance de plusieurs de ses collaborateurs.
L’OCLEI, selon son président, mène des activités de prévention, mais aussi de répression dans sa mission de croisade contre la corruption et l’enrichissement illicite. Ainsi, en 2019, il a réalisé 11 activités d’information et de sensibilisation, à travers le Mali auxquelles ont participé 74 personnes.
L’OCLEI a exploité 400 déclarations et a ouvert 32 dossiers d’enquête, dont 3 ont été transmis à la justice, a précisé le président Guindo. La valeur des biens meubles et immeubles présumés illicites dans ces 3 dossiers s’élève à 4 milliards 279 millions de FCFA alors que le total des revenus légitimes des 3 agents publics concernés est de 127,69 millions de FCFA dans la même période, a expliqué Moumouni Guindo.
Au regard de ce constat, commente-t-il, la valeur de ces biens représente plus de 33 fois le total des revenus légitimes.
Ces rapports de l’OCLEI relève aussi des »faits insolites » de fixation de salaires pour des responsables. C’est le cas de l’Institut national de prévoyance sociale (INPS).
En se saisant et après examen de ce dossier, la mission d’enquête a constaté que la liquidation, en 2015, des indemnités de départ à la retraite du directeur général adjoint et de l’agent comptable de l’INPS est contraire à la loi.
Ainsi, en dehors de toute légalité, le directeur général adjoint a perçu » 353,72 millions de FCFA et l’agent comptable s’est tapé 1 milliard 70 millions de FCFA ».
En 2020, le conférencier a fait savoir qu’au titre de la prévention, l’OCLEI a accompagné la mise place de la Plateforme des Organisations syndicales de Lutte contre la Corruption composée de 9 organisations syndicales dont 3 centrales et 6 syndicats. Il a également établi un cadre de partenariat avec les confessions religieuses pour une meilleure prévention de l’enrichissement illicite.
Pour sa contribution à la répression, l’OCLEI a transmis à la justice, 6 dossiers d’enrichissement illicite présumés, pour des biens évalués à 2 milliards 715 millions de FCFA, soit 37 maisons d’habitation et 178 parcelles dont 83 concessions rurales totalisant 176 ha. Le montant total des entrées sur les comptes bancaires des 6 personnes s’élève à 2 milliards 588 millions de FCFA de 2014 à 2020. Dans la même période, leurs revenus légitimes s’élèvent à 317 millions de FCFA.
Sur la question, le président a rassuré que l’OCLEI a adopté une méthode d’identification des déclarations de biens à investiguer.
« C’est une démarche méthodique, objective et systématique. Elle a permis d’identifier 48 personnes dont le patrimoine a subi des variations significatives. Des enquêtes ont été ouvertes sur ces cas », dira-t-il.
Par ailleurs, le conférencier a informé que l’OCLEI a finalisé une étude sur la déontologie dans l’administration publique. Cette étude recommande l’institution d’un référent déontologue dans les services publics. Le référent déontologue est chargé de conseiller les agents et les chefs de service sur la déontologie de leur corps.
Selon Moumouni Guindo, le succès de la lutte contre l’enrichissement illicite nécessite une intense collaboration interservices et multi-acteurs. Cette nécessité a été nettement perçue par le Forum national sur la corruption et la délinquance financière organisé par le Gouvernement en février 2014. Ce forum a recommandé que « la mission principale de l’Office central de lutte contre la corruption [soit] la coordination ».
Ainsi, l’article 7 de la Loi n° 2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite dispose que « la lutte contre l’enrichissement illicite implique, dans son domaine de compétence, toute structure statutairement investie d’une mission de contrôle et de vérification de la gestion des services publics et, spécifiquement, les Pôles économiques et financiers, le Contrôle général des Services publics, le Bureau du Vérificateur général, la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (CENTIF) et les Inspections des Départements ministériels ».
Dans cette perspective, l’article 4 de l’Ordonnance n°2015-032/P-RM du 23 septembre 2015 charge l’OCLEI « d’assurer, dans le respect des compétences propres à chacune des structures concernées, une concertation efficace et la concertation des autorités nationales, directement ou indirectement concernées par la lutte contre l’enrichissement illicite » et « d’animer et de coordonner, en tant que de besoin, aux niveaux national et international, les moyens d’investigations dont disposent les administrations ou services pour la recherche des infractions induisant des obligations de déclaration ».
En clôturant les échanges sur la question de la déclaration des biens, le président de l’OCLEI a regretté une tendance baissière, depuis quelques années. Ainsi, la structure a comptabilisé 253 déclarations de biens déposées à la Cour suprême en 2020. Ce chiffre, selon M. Guido, est en baisse de 59,8% par rapport à 2018 et de 25% par rapport à 2019, puisque les dépôts étaient de 629 en 2018 et de 338 en 2019.
Cette situation s’explique, entre autres, par un déficit de l’information et de la sensibilisation sur le caractère annuel de la déclaration de biens, indique le conférencier.