Dans le cadre de la mise en œuvre de son plan d’actions annuel, l’Alliance des journalistes maliens pour la nutrition et la sécurité alimentaire (AJMNSA) avec l’appui de l’ ONG ‘’Œuvre malienne d’aide à l’enfance du Sahel (OMAES)’’, grâce à un financement du Programme Right2Grow, a effectué une enquête auprès de quelques acteurs concernés par la mise en œuvre des recommandations de la classification Intégrée des Phases de l’IPC de septembre 2022. Il s’agissait de mieux s’enquérir de la situation alimentaire et nutritionnelle dans notre pays. Les structures concernées par cette enquête sont : le Système d’Alerte Précoce (SAP), la Sous-Direction Nutrition (SDN), le Commissariat à la sécurité Alimentaire (CSA) et de l’UNICEF.
Selon le Dr Soumaila Diarra, médecin nutritionniste au système d’Alerte Précoce (SAP), 1 242 078 personnes sont en insécurité alimentaire actuellement au Mali de façon globale et réparties selon les différentes phases. Cette année, souligne-t-il, le Mali a connu exceptionnellement la phase 5 (critique) à peu près deux mille personnes à Ménaka, selon le coordinateur national du système d’Alerte Précoce(SAP), Moussa Koita. A noter que cette structure est membre du comité technique IPC.
Dans le cadre du suivi des recommandations de l’atelier de septembre 2022 sur l’analyse IPC, les membres de l’Alliance des journalistes maliens pour la nutrition et la sécurité alimentaire se sont entretenus avec le Dr Mahamadou Samaké, Sous-directeur de la nutrition à la Direction générale de la santé et de l’hygiène publique (DGSHP).
Lors de cet entretien, le Dr Samaké a souligné que les recommandations prévoyaient une série d’actions demandant l’implication de tous les acteurs.
Plaidoyer pour accroitre le financement domestique
La première visait à renforcer dans l’immédiat la couverture et la qualité de la prise en charge de la malnutrition aigüe pour réduire en urgence l’effectif des enfants et femmes enceintes et allaitantes souffrant de malnutrition aigüe. Sur ce point le processus continue et il est mis en œuvre par la Direction Régionale de la Santé. Selon le Dr Samaké, la supervision de cette activité relève de sa direction. Ils ont pu mener au moins une supervision dans l’ensemble des régions, districts et aires de santé pour voir l’état d’avancement de ce renforcement.
La 2ème recommandation, visait à faire le plaidoyer pour accroitre le financement domestique de la nutrition.
« Nous faisons des supervisions pratiquement dans l’ensemble des régions. Nous sommes aussi dans la logique de planifier une autre supervision après l’IPC prochaine qui va se tenir le 18 septembre dans notre planning. Le plaidoyer pour accroître le financement est toujours en cours, mais nous risquons d’avoir des problèmes de financement. On avait retenu des régions qui étaient en peloton de tête dans le cadre de la malnutrition aigüe, la région de Ménaka, Gao, Kayes et Tombouctou pour mener des sessions de plaidoyer. Malheureusement, nous n’avons pu faire le plaidoyer que dans les régions de Gao et Ménaka », a indiqué le Dr Samakéle .
En ce qui concerne la 3ème recommandation, elle préconisait de « renforcer le dispositif d’assistance alimentaire d’urgence pour les populations en Phase 3 et plus, tout en intégrant des programmes de protection adéquate qui prennent en compte les besoins essentiels des enfants de moins de cinq ans et des femmes enceintes et allaitantes ». Pour l’assistance alimentaire, sur une prévision de 1 841 067 personnes de la phase 3 et 4 identifiées par le Système d’Alerte Précoce en novembre 2021, en tenant compte de l’insuffisance des ressources financières, 1 191 772 personnes ont bénéficié d’une distribution alimentaire gratuite (DAG) de 34 147 tonnes de céréales par l’Etat à travers le Commissariat à la Sécurité Alimentaire, selon le Commissaire adjoint Amadou Dembélé. En outre, 2 029 360 personnes ont bénéficié d’un complément fourni par les partenaires techniques et financiers à travers les membres du Cluster Sécurité Alimentaire (Agences UN, PAM, FAO et une quarantaine d’ONG internationales et nationales). En matière de soutien aux moyens d’existence, 26 800 ménages, soit 160 800 personnes ont été assistés à travers les cash-transferts effectués par le CSA sur les fonds des indemnités ARC pour un montant de 268 000 000 FCFA ; l’achat de 5000 tonnes d’aliment bétail pour un montant de 1 091 500 000 FCFA ; l’achat de 453 tonnes d’aliment poisson pour un montant de 499 650 000 FCFA. A cela s’ajoute la réhabilitation de 5 puits pastoraux, la réalisation de 7 forages productifs, la réhabilitation de 10 forages pastoraux, de 11 périmètres jardins maraîchers, la fourniture de 11 kits maraîchers, de 11, 5 kilogrammes de semences maraîchères, de 3,575 tonnes d’engrais pour un montant de 739 925 629 FCFA. Par ailleurs, les partenaires techniques et financiers, à travers les membres du Cluster Nut-SA, ont assisté 2 591 680 personnes dont 384 449 personnes parmi les Déplacées Internes (PDI) pour un montant de 46 376 230 000 FCFA. Cette assistance se fait sous forme de coupons (76%), cash (17%) et en nature (7%). En 2022, c’est un total de 3 374,19 tonnes de vivres qui ont été mobilisées à cet effet par l’Etat et ses Partenaires. Ces différentes informations ont été communiquées par le Commissaire adjoint, Amadou Dembélé.
La Sous-direction nutrition veille
Quant à la 4ème recommandation, sa mise en œuvre devait renforcer la réponse multisectorielle liée à la fourniture des services sociaux de base de qualité (EHA, alimentation, santé, protection sociale etc.) Une session pour démontrer le lien entre Wash et Nut s’est tenue à Gao, à travers un renforcement de capacités, selon le Dr Mahamadou Samaké, Sous-directeur de la nutrition à la Direction générale de la santé et de l’hygiène publique (DGSHP).
Pour la 5ème recommandation qui demandait le renforcement du dispositif de surveillance et d’alerte précoce pour la nutrition dans les cercles en phase 3 et plus et la réalisation des enquêtes nutritionnelles SMART rapide dans les cercles en phase 4. Aux dires de Dr Samaké, la Sous-direction nutrition suit chaque semaine la situation nutritionnelle dans le pays et fait une proposition de solution. Les enquêtes nutritionnelles SMART rapides dans les cercles en phase 4, ont été réalisées à (Tidermen) à Ménaka, à Gao (Ansongo), à Mopti (Bandiagara), à San (sites des déplacés), à Diéma et Nioro. Au sortir de cette enquête, Ansongo et Ménaka ont été classés zones d’alerte réelle. Et les partenaires ont pris rapidement à bras le corps la situation dans ces zones.
Quant à l’UNICEF, elle intervient à travers l’élaboration des politiques, de la législation, de la planification et la mobilisation des Fonds. Ces financements des partenaires techniques et financiers contribuent à la mise en œuvre des programmes et projets à haut impact en matière de nutrition dont l’allaitement maternel et la diversification alimentaire, selon le Dr Silvestre Tapsoba, chef de la section nutrition à l’UNICEF.
Elle appuie aussi, le système de santé en terme de renforcement des capacités des agents de santé afin de promouvoir et d’encourager l’allaitement maternel.
De ce fait, depuis quelques années, l’UNICEF est sur une nouvelle dynamique de l’intégration de la nutrition dans le Curricula de formation au niveau de l’éducation nationale et d’autres secteurs.
Le Sous-directeur de la nutrition à la DGSHP a salué l’appui des partenaires tout en insistant sur l’importance d’avoir des ressources au niveau local pour entreprendre des activités de prévention et de prise en charge.
Selon le Dr Soumaïla Diarra du SAP, sa structure utilise plusieurs outils et le plus utilisé, dit-il, est l’enquête nationale sur la sécurité alimentaire et la nutrition qui est réalisée deux fois dans l’année en septembre et février. Cette enquête permet de collecter les données de près de 100 indicateurs en faveur du cadre harmonisé.
La guerre favorise l’insécurité alimentaire et nutritionnelle
A l’issue de chaque analyse et évaluation, il y a des recommandations qui sont adressées aux différents partenaires et en premier lieu à l’Etat.
Ces recommandations aident à la prise de décision aboutissant à la mise en œuvre des actions concrètes et urgentes. Les programmes de prévention sont difficilement exécutés à cause de la situation sécuritaire que le Mali traverse.
Les localités les plus affectées par l’insécurité alimentaire sont dans la bande du fleuve. On sensibilise les mamans et les communautés pour les meilleures pratiques alimentaires et d’hygiène. Des cas de malnutrition sont enregistrés dans les camps des déplacés.
Selon les responsables du SAP, l’une des plus grandes difficultés qui favorise l’insécurité alimentaire et nutritionnelle des populations est la guerre. Le Mali vit depuis quelques années une crise sans précédente qui cause le déplacement de milliers de personnes. Ce qui fait que la mise en œuvre de certaines activités pouvant contribuer à la réduction des cas de malnutrition est bloquée par l’inaccessibilité de certains services de l’Etat et de certains partenaires aux populations pour la mise en œuvre des programmes de prévention.
Avant cette crise, le Mali avait suffisamment réussi à réduire la prévalence de la malnutrition aigüe et chronique qui était jusqu’à 46% dans certaines localités, mais qui avait baissé jusqu’à 25 voire 20%. « La malnutrition aigüe aussi était descendue en dessus de 10%.
Toutefois, la malnutrition est liée à plusieurs autres facteurs, nous apprend le Dr Soumaïla Diarra du SAP. Outre l’insécurité alimentaire, les mauvaises pratiques de consommation d’aliment, d’hygiène/Wash (d’accès à l’eau, l’assainissement) sont aussi des causes essentielles de la malnutrition dans beaucoup de localités.
L’Etat et les partenaires sont appelés à rendre les aliments disponibles partout où vivent les populations en tenant compte de leurs habitudes de consommation alimentaire. Les principales cibles de la malnutrition sont les enfants de moins de cinq ans et les femmes en âge de procrées », a expliqué le Dr Soumaïla Diarra.
Il faut note que l’implication des journalistes nutritionnistes, à travers des spots de sensibilisation, des reportages ou des émissions en langues locales reste l’un des meilleurs atouts pour éradiquer la malnutrition.