Une vue des Participants aux ANR qui ont fait la proposition de 6 mois à 5 ans comme durée de la transition au Mali.
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Prolongation de la transition : la décision est-elle unilatérale ?

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En attendant le verdict de la CEDEAO, ce 9 janvier 2022, qui se réunira en sommet extraordinaire, à Accra, sur le nouveau chronogramme des prochaines élections au Mali, devant conduire au retour à une vie constitutionnelle normale, le front politique malien s’enflamme. Que de protestations, de contestations, d’élucubrations émanant des ‘’démocrates convaincus et sincères’’, pendant ces dernières 72 heures, dont la gestion chaotique nous a pourtant conduit au drame actuel. Que se passe-t-il ? Y a-t-il vraiment lieu de remuer ciel et terre ?

Depuis la mission du chef de la diplomatie malienne à Accra pour aller remettre les conclusions des Assises nationales de la refondation (ANR) au président ghanéen, non moins président en exercice de la CEDEAO, le vendredi dernier, le front politique malien, s’il en existe encore, est en ébullition : des communiqués de protestation et de contestation par-là, des avis de conférence de presse par-ci, des réunions nocturnes…

Depuis, les autorités de la transition sont accusées à tort ou à raison de vouloir s’éterniser au pouvoir, contrairement à leur engagement devant le peuple malien. Et pourtant, ces autorités de la transition, à part la présentation d’une proposition faite par des Maliens, lors des dernières assises nationales, n’ont rien arrêté concernant la durée de la transition.  

Que disent ces conclusions sur la durée de la transition ? Comme l’a déclaré le ministre Diop, sur les antennes de la télévision nationale, « les participants aux assises nationales ont proposé une durée de la transition de six mois à cinq ans ».

Toutefois, il ne s’agit que d’une proposition, une base de discussion entre autorités nationales et les partenaires du Mali, dont la CEDEAO. Encore qu’il s’agit d’une proposition sortie des Assises nationales auxquelles ont participé des communautés à la base, des organisations de la société civile et de grandes formations politiques de la place. Hélas, des politicards tentent déjà de réduire au néant ce cadre de regroupement des Maliens qui a fait des propositions pertinentes sur la sortie de crise, la vision d’un nouveau Mali débarrassé de la corruption, de la mauvaise gouvernance…

Malgré les efforts des organisateurs de ces assises et des autorités de regrouper le maximum de Maliens autour de la mère patrie malade lors de ce rendez-vous, des mauvaises volontés ont trouvé le moyen de jouer à la politique de la chaise vide pour pouvoir trouver à dire et à redire après le rendez-vous. C’est à ces élucubrations auxquelles nous assistons, depuis ces 48 dernières heures.

Voulant chercher des alliés à tout prix ou à manipuler une opinion qui n’est plus dupe, d’aucuns estiment que les autorités de la transition ont décidé ‘’unilatéralement’’ de prolonger la transition à cinq ans, soit jusqu’en 2026, d’autres vont jusqu’à exiger déjà la démission du Premier ministre qui les empêchent certainement de tourner en rond.

En tout cas, sauf par mauvaise foi, les conclusions des ANR sont là pour témoigner que les autorités de la transition n’ont nullement pas unilatéralement décidé de proroger la transition à cinq ans. Aussi, s’agit-il que d’une proposition, d’une base de discussion avec la CEDEAO, comme l’a préconisé le ministre Diop. D’ailleurs, tout présage que cette CEDEAO qui est à la base de sanctions ciblées contre des responsables de la transition, ne fera certainement pas cadeau au colonel Assimi Goïta et son équipe.

A observer de près l’arène politique, l’on voit que certains s’agitent déjà comme si cette proposition était la fin du monde. En français, il est claire qu’une proposition est de loin différente d’une décision. Pour le moment, il n’y a aucune décision de prolongation de la transition venant ni des assises ni des autorités de la transition. Comme le disent les bambara, prononcer le nom du feu ne saurait brûler la bouche. En toute évidence, ce n’est pas la proposition qui est visée, mais plutôt des personnes qui gèrent les affaires du pays. Comme si des Maliens sont faits pour gouverner et d’autre pour subir. La démocratie est miroitée pour pousser à la sortie le régime des colonels de façon précipitée. Or, à l’issue de trente ans de gouvernance, le régime démocratique a bien montré ses limites au Mali.

« Pendant 30 ans ce qu’on a pu voir de mieux au Mali, c’est nos politiciens envoyez leurs enfants ailleurs (France, USA, Canada, etc.). Pendant que le Mali manque d’infrastructures vitales. Cela n’a dérangé personne. Ces militaires, que beaucoup critiquent, ont pour la plupart été en contact avec les maliens qui vivent la misère. Ces mêmes militaires ont vues leur frères mourir parce que Bamako ne connaît que la corruption », témoigne un internaute.

La démocratie de 1991 a surtout permis à des hommes et des femmes de se servir au mieux dans les deniers publics sur la base de textes conçus sur mesures pour rendre légale une dilapidation à ciel ouvert, entre copains.

En tout cas, au regard des fait récents, il est difficile de convaincre les Malien que l’organisation précipitée des élections est la solution toute trouvée à notre problème. Nous devons refuser un mimétisme qu’on veut nous imposer, qui est contre-productif pour le Mali, le suffrage universel, à travers l’organisation bâclée des élections futures. Nous devons apprendre de nos fautes et erreurs. On s’est suffisamment précipité depuis 1991, hâtons-nous donc lentement maintenant pour mieux faire. C’est pourquoi de nombreux observateurs pensent désormais que la transition doit pouvoir créer les conditions d’une gouvernance vertueuse, qu’un gouvernement issu d’élection, ne pourrait créer. A titre illustratif, depuis Alpha Oumar Konaré jusqu’à la fin du règne du président IBK, la question de la révision de notre Constitution a  été posée avec acuité. Cependant, aucun de ces démocrates n’a réussi à relever ce défi. Ce qui veut dire que les politiques rechignent à prendre les décisions impopulaires. Or, il se trouve que quasiment ‘’tout est décision impopulaire au Mali, vu que les mauvaises pratiques sont devenues systémiques et structurelles’’.