La quarantaine largement révolue, sage-femme, depuis 2015 Boundi Mah Sacko dédie sa vie aux enfants en situation difficile. Mais non sans peine.
« Ici nous avons des enfants des femmes en détention, des enfants abandonnés. Certains ont des mères malades mentales… Ils n’ont rien fait pour mériter cette situation. Il faut les sauver » lâche Boundi Mah Sacko. Mercredi 21 mars, 11heures passées au Centre d’hébergement et d’éducation des enfants des femmes en détention. Situé en Commune VI du district de Bamako, à Banankabougou, l’établissement créé en avril 2015 par cette dame de 45 ans, sage-femme, porte le nom de ‘’Nelson Mandela’’. Une modeste villa située à environ 800m du centre de détention des femmes et enfants ‘’Bollé’’.
Dans le salon une dizaine de lits et un berceau alignés. En face : un petit téléviseur. A même le sol, la principale cuisinière, Aïcha est encerclée par cinq enfants de moins de 2ans. Elle glisse à tour de rôle de la soupe dans la bouche de ses protégés, à l’aide d’une cuillère. Les vagissements des nouveaux nés se mêlent au son du téléviseur. Tandis que d’autres dorment profondément. Lah, 7ans, enfant abandonné, prête main forte aux quatre nourrices. Un bébé sur les jambes, elle console, à l’aide de la main, un second en pleurs.
« Nous sommes en train de préparer leurs biberons», explique Oumou, l’une des berceuses. Salimata, moins d’un an, joufflue, s’amuse dans son berceau et observe la scène l’air tranquille. Au bout d’une vingtaine de minutes, un calme relatif. Les vagissements ont cessé et Lah peut maintenant jouer.
« Tu pleures…hun tu pleures ? Ne pleure pas s’il te plaît », Aïssatou essuie les larmes de Jean. Visage décharné, couché sur le lit, silencieux, le gosse coule des larmes. Il est souffrant. « Je pensais qu’il avait le paludisme mais c’est la dentition qui le fatigue. Il va mieux maintenant» déclare Boundhi Mah Sacko, la coordinatrice du centre. Jean est jumeau.
« Aide-ménagère, enceinte de jumeaux, sa mère s’est rendue à la Brigade des mœurs pour déclarer qu’elle n’avait pas les moyens de s’occuper de ses enfants s’ils venaient à naître » explique la patronne des lieux. « Contactés par la brigade nous l’avons conduit au centre catholique Béatitude. Quelques jours après l’accouchement, la jumelle est décédée et le centre a demandé à la maman d’aller chercher du travail. En détresse, elle a amené le garçon chez nous. Mais elle n’est jamais retournée» ajoute-t-elle. Comme Jean, Mahamadou aussi a été remis au centre ‘’Nelson Mandela’’ par sa mère, sans revenus, ni soutien. Surnommé Monsieur pour son air sérieux, un an et six mois, il souffre aussi de la dentition. Accroché au lit, les jambes amaigries, ventre bedonnant, il écarquille les yeux de gauche à droite.
« Ils sont 45 enfants de zéro à onze ans »
Midi passé, les plus âgés sont de retour de l’école. Ça saute et ça court. Quelques minutes plus tard, Mariam sert le repas, dans une salle à côté. Au menu : du riz avec de la sauce d’arachide. Un régal ! Le repas terminé, les gamins se succèdent devant les adultes qui s’occupent d’eux pour dire « al barka » (Dieu merci en peul). « C’est une tradition essentielle à leur éducation » commente une des berceuses. Puis c’est l’heure de la sieste. Tout le monde rejoint les lits. Les pleurs cessent.
« Ils sont 45 enfants de zéro à onze ans. Le centre a été créé pour recevoir les enfants des femmes en détention, mais au fil du temps nous avons été contraints par la réalité du terrain» précise la coordinatrice, Boundi Mah Sacko.
Djibi, 11 ans, est le plus âgé. Autiste, il est l’homonyme de Djibi Kouyaté artiste malien basé en Allemagne, un des partenaires clés du centre. « Egaré dans la nature vers Mopti, Djibi a été retrouvé par les sapeurs pompiers. Il a passé huit mois au service social de l’hôpital Gabriel Touré. Sans nouvelle de sa famille, l’hôpital a sollicité notre service. Nous l’avons nommé Djibi en hommage à notre partenaire», raconte Mah Sacko. Le plus jeune a 45 jours, abandonné dans la rue par sa mère, aide-ménagère.
Payer le loyer, l’eau, l’électricité, la nourriture, les soins, assurer l’éducation… un énorme challenge. Sans subvention de l’Etat, Boundi Mah Sacko se bat pour assurer un meilleur avenir à ces enfants victimes des tares de la société. «Chaque semaine nous dépensons au moins 15 000FCFA dans les couches, il faut du lait pour les nouveaux nés…» affirme-t-elle. « L’artiste Djibi Kouyaté et ses collaborateurs allemands, nous ont offert des aliments, des matelas, des jouets… D’autres personnes nous assistent souvent» révèle Mah Sacko. Mais pas assez pour couvrir les charges du centre. « Souvent nous avons de la peine à payer le loyer. Le personnel travaille bénévolement… personne n’a de salaire régulier. Mais nous nous battons quand-même», revendique-t-elle.
Ndlr: les noms des enfants ont été modifiés