En réponse aux détracteurs de Lala Touré, présentatrice de l’émission matinale de la chaîne nationale du Mali cause d’un prétendu habillement indécent, Dia Yaye Sacko, auteure, poétesse et consultante culturelle rappelle, dans ce billet proposé au Jalon, comment nos ancêtres ont reçu à désacraliser le corps de la femme. Lisez.
Dans nos traditions ancestrales, la société éduquait l’individu à désacraliser le corps humain pour éviter toute dérive tendant à sexualiser ce même corps. La nudité du corps de la femme n’était pas cachée, ni à voiler, elle faisait partie de notre éducation. Ce tabou venu d’ailleurs par deux fois : le monde arabe et l’occident fait croire que pour ne pas être tenter il faille couvrir la femme. Oui on peut s’habiller sexy et décemment. Ce qui est le cas de notre sœur.
Revenons à nos ancêtres. Nos ancêtres éduquaient les jeunes garçons et filles à ne pas céder à la tentation à voir ce qui ne devrait absolument pas être un tabou et choqué: la poitrine nue. Ainsi de la petite enfance à l’adolescence accomplie le torse de la jeune femme est à l’air libre. Prête pour le mariage elle sera habillée entièrement. Cette jeune femme grandissant, alors femme, à l’âge de la retraite, évidemment grand-mère on la retrouve seins nus.
Il y a deux enseignements à cette éducation sociale et sexuelle: voir et ne pas toucher, par conséquent éviter de regarder la petite fille et la grand-mère sous l’angle sexuel, en définitive la femme, l’épouse. À ces deux âges de fragilité sociale, toutes devront être respectées et protégées. Si du bout au bout, ce principe n’est pas sinistré, celles qu’elles représentent au milieu, ne seront qu’accompagnées dans la protection de leurs corps. Des outils sont mis en place pour corriger toute personne qui percevra la jeune femme comme un objet sexuel. Dans certaines communautés, les voleurs, les violeurs sont exposés sur le banc public réservé sur une place centrale, la seule honte de ce passage au tribunal communautaire contraint le malfrat à l’exil ou la mort. Nos ancêtres régulaient nos communautés de la plus belle des manières.
Avec les récentes mutations, le tabou du corps s’installe, le rejet de l’autre, dans un pays fondamentalement tolérant.J’ai béni par moment, moi-même de ne pas avoir vécu à ces périodes avec une certaine idée de ce que nous appellerons pudeur. C’est quoi la pudeur ? C’est de détourner les yeux de ce que l’on ne saurait voir, pour soi. Et non cette faculté systématique de modeler l’autre à son image. Et si on y arrive pas instrumentaliser pour atteindre son but.
Ibn Battuta en 1315 en expédition dans les contrés de l’ex Ghana devenu empire du manding témoignera dans ses écrits, en ces termes: en terre de Mandé, le sultan va à la mosquée les vendredis et ses filles sont habillées de toile couvrant uniquement leurs membres inférieurs, les seins en l’air. Il fait ce témoignage non pas pour critiquer les pratiques de nos ancêtres mais pour signifier la coexistence de ce que l’on prend en témoin, l’islam, pour « punir » une jeune femme qui a le droit de s’habiller comme elle veut. Et de surcroît est un modèle de réussite au féminin. Qui d’effort constant hisse la femme malienne avec comme seul crédo, la culture du travail.
Nous sommes un pays laïc, pas parce que nous l’héritons de la colonisation occidentale, ce statut nous vient d’histoires multi-séculaires, de brassage. Les pratiques islamiques ont fait leurs apparitions dans nos contrées depuis le 3e siècle et depuis le troisième siècle de l’hégire, nous respectons les libertés fondamentales de chacun des enfants héritiers, des différents trônes de nos empires, royaumes et principautés.
Je ne saurai terminer sans une pointe d’humour à cette personne que je connais qu’avoir lu chez les autres qui il était, l’appellation, Ras tient de quelle idéologie? Est-ce islamique ? Est-ce fondamentalement nos traditions ? Je n’ai moi-même pas trouvé la réponse. S’il avait juste un peu de culture de son obédience, il saurait qu’une des valeurs du rastafarisme c’est la tolérance. Nous en appelons à Bob Marley pour tenir son disciple. Respectons-nous, acceptons-nous ou tournons la tête quand ça ne nous convient pas.
Soutien total à Lala Touré !
Dia Yaye Sacko – Éditrice/Auteure/Poétesse