La 2e édition des Journées d’interpellation démocratique (JID) sur les questions de santé initiée par l’ONG Save the Children se tient, du 14 au 18 décembre 2020, dans le cercle de Kolondiéba. Un espace de débat entre autorités locales et population sur la problématique de l’accès à la santé.
Sans langue de bois, le ton de la 2e édition des Journées d’interpellation démocratique (JID) sur les questions de santé dans le cercle de Kolondiéba a été donné, le lundi 14 décembre à Tousseguela. Ici, les autorités locales et les communautés ont échangé à bâton rompu sur les problématiques d’accès à la santé.
La tenue de ces journées, qui est mise en œuvre par l’ONG Save the Children, sur financement de la firme GSK, vise à contribuer au renforcement de la bonne gouvernance au niveau du district sanitaire de Kolondièba en vue de répondre aux besoins socio-sanitaires des communautés. Puisque l’accès aux soins de santé, dans ce district, à l’image de toutes les communes du Mali, souffre de nombreuses difficultés. Encore, dans plusieurs villages de ces localités, les communautés sont contraintes de parcourir de longues distances pour se rendre dans un centre de santé. C’est le cas notamment du village de Sassila.
« Sans structure de santé et de personnel, nous sommes obligés de parcourir des dizaines de kilomètres sur une route très dégradée pour venir à Tousseguela. À cause des secousses, des femmes donnent naissance en cours de chemin», a témoigné Souleymane Koné du village de Sassila. Il est l’un des dizaines de participants de la JID de la commune rurale de Tousseguela. A cette occasion, il représentait la jeunesse de leur village.
Dans son plaidoyer, il souhaite qu’à défaut de construire la route, leur village soit doté d’un centre de santé digne du nom afin de soulager ses concitoyens.
‘’Cela nous éviterait des va et vient à Tousseguela pour pouvoir bénéficier des soins. Même pour les injonctions, les malades sont contraints de parcourir des kilomètres. Nous pensons que cela n’est pas normal. Pour pallier cette difficulté, nous souhaitons que les Agents de santé communautaire (ASC) soient autorisés à faire des injections », a préconisé le jeune Koné avant de dénoncer : « Souvent on met plus d’argent dans le transport pour rallier les centres de santé que dans les soins ». Selon lui, des efforts doivent être consentis pour davantage rapprocher la santé à la population.
Par ailleurs, il dit avoir laissé ses occupations pour participer à cette journée afin de porter les besoins et les soucis de ses concitoyens sur l’accès à la santé.
« C’est une occasion qui ne se présente pas tous les jours. Alors, il faut profiter de ces rares opportunités pour venir dire ce que nous pensons de la situation», a-t-il expliqué.
Les préoccupations du jeune Koné étaient également partagées par les représentants d’autres localités, dont les habitants sont agacés de passer plusieurs minutes sur des tronçons très dégradés de seulement 5 à 10 km. « L’état de la route aggrave les maladies de nos patients. En pensant à cette situation, certains font recours à l’automédication », indiquent-ils en interpellant les autorités communales afin d’ériger des structures sanitaires dans leur village respectif. C’est encore pire pendant la saison hivernale, ont-ils soutenu.
Outre ce point, l’accès à l’eau potable constitue également un problème pour des villages de la localité. Rokia Coulibaly fait partie des nombreuses femmes de Kouen qui veillent toute la nuit pour avoir de l’eau. ‘’ L’unique de pompe de mon village n’arrive plus à ravitailler tout le monde, en eau potable, à cause du fort besoin lié à la croissance démographique’’, a-t-elle indiqué. Or, pour elle, il n’y a pas de santé sans eau potable.
L’épineuse question de la prise en charge des ASC a été aussi abordée par les participants. Pour des communautés, les frais de motivation de ces agents doivent être pris en charge par la mairie ou l’État.
Répondant à des préoccupations à lui adressées, le maire de Tousseguela concède sur la pertinence des interpellations liées notamment à l’accessibilité des centres de santé. Toutefois, il soutient que la collectivité n’a pas de moyen pour y faire face. Les maigres recettes communales sont insuffisantes pour répondre à certaines doléances malgré leur pertinence. « Pour 2020, la mairie n’a pu encaisser que 5 millions de FCFA de contribution de la population en impôt. Or, avec la décentralisation, il faut que les citoyens s’acquittent de leurs obligations afin que nous puissions réaliser certains programmes de développement local », a expliqué le maire. Il a aussi fait savoir que la contribution de l’État aux collectivités est insignifiante. Pour cette année, la mairie de Tousseguela a bénéficié du pouvoir central, en tout pour tout, une aide financière de 286 000 de francs pour le secteur de la santé.
En dépit des difficultés, il se targue d’être le premier à prendre en charge la motivation des ASC dans le cercle de Kolondièba. Par ailleurs, sans ressources financières, il affirme que la mairie ne peut pas prendre la responsabilité de recruter d’autres personnels de santé tels que les sages femmes, des matrones comme sollicités par des participants.
De son côté, le médecin chef de Tousseguela a réagi face à l’absentéisme du personnel et le coût élevé des ordonnances.
« Les patients arrivent très tardivement dans les centres de santé. Ils nous parviennent alors que la santé du malade s’est fortement détériorée. Or, nous savons tous que le traitement d’une maladie coûte très cher que la prévention. Aussi, pour certaines pathologies des enfants, l’État donnait gratuitement certains médicaments aux centres de santé. Cette dotation a été coupée», a-t-il expliqué.
Exercice inédit
Le lendemain, la mission s’est rendue dans la commune rurale de Kolosso pour le même exercice. La journée a été marquée par la participation de onze villages de la localité. Pour le maire Piè Diarra, qui a accueilli les différentes délégations, cet exercice permet d’échanger et de discuter sur la problématique de la santé. Il s’en réjouit puisque c’est inédit dans sa commune.
« Nous avons tous une responsabilité dans l’échec de notre système de santé. C’est pourquoi, il est important que nous parlions sans complaisance afin de trouver de solutions à des problèmes de santé », a déclaré M. Diarra.
Ce n’est pas un procès contre une personne, mais un cadre d’échanges pour la prise en compte des besoins sanitaires des communauté, a déclaré Lassana Sissoko médecin chef du Centre de santé et référence de Kolondiéba.
« C’est une occasion pour nous permettre de connaître le ressenti de la population sur ce que nous faisons. C’est en échangeant que nous pouvons résoudre certaines difficultés liées souvent à un déficit de communication», a indiqué le médecin chef.
Par ailleurs, le maire de Kolosso dit être étonné de la revendication des villages qui réclament des sages femmes. Parce que les communautés de certains de ces villages ont été incapables de construire une salle de travail pour leur ASC. ‘’On ne peut pas attendre tout des autres. La population doit être le premier contributeur pour son bien-être’’, a souligné l’ élu communal.
Comme à Tousseguela, les préoccupations étaient presque les mêmes. Ainsi, dans ces deux localités au terme des échanges, les participants ont formulé aux mairies d’élargir la compétence des ASC en y incluant les injections, de doter des villages d’agents de santé où il est nécessaire, de réaliser des points d’eau.
Quant à la population, elle a été invitée à créer des conditions idoines de travail aux ASC, d’instaurer les mécanismes traditionnels d’aménagement des routes, de s’acquitter de leur taxe et impôt.