Dans une lettre estampillée par le sceau ‘’confidentiel’’ la présidente de la Cour constitutionnelle, Manassa Danioko et de deux de ses conseillers appellent le chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta, à rétablir l’ordre constitutionnel et contestent l’abrogation de leur décret de nomination.
«En dignes et loyaux Magistrats, nous restons liés par notre serment, conformément à l’article 93 de la Constitution. (…) Conformément aux valeurs républicaines nous restons disponibles pour assurer la permanence et la continuité de la Cour jusqu’au terme de notre mandat et nous invitons à réfléchir avec l’ensemble des acteurs impliqués dans le processus de sortie de crise à une autre «solution politique» juridiquement réalisable et plus bénéfique à la préservation ainsi qu’à la consolidation de l’Etat de droit.» C’est l’extrait d’une lettre confidentielle adressée au président de la République par la présidente contestée de la Cour constitutionnelle, Manassa Danioko et deux de ses conseillers restés en poste après la démission de sept de leurs collègues.
C’est un document de sept pages dénommé «recours gracieux» dans lequel, les trois juges contestent l’abrogation de leur décret de nomination par le président de la République. Une décision prise sous contrainte de l’opposition menée par l’imam Mahmoud Dicko sur initiative de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) elle-même soutenue par la France.
Mais la recette n’est pas du goût de Manassa Danioko et ses deux conseillers, Baya Berthé et Bamassa Sissoko qui s’arc-boutent sur le respect de la Constitution du Mali. La loi fondamentale de laquelle, explique le document, découle la légitimité du chef de l’Etat.
Et pour respecter le cadre légal, les trois juges proposent au président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, de procéder à la nomination des remplaçants des membres démissionnaires de la Cour plutôt que de «destituer les non-démissionnaires.» Plus loin, ils enfoncent le clou et qualifient la décision du président de la République de «haute trahison.»
«Dans ces conditions, la mission de garantie de la Constitution qui incombe aux membres de la Cour constitutionnelle ne leur permet aucunement de laisser s’appliquer une mesure aussi manifestement inconstitutionnelle et illégale. L’exécution de ce Décret entraînera, sans nul doute, un lendemain inconstitutionnel et instable pour le Mali, une crise pire que celle que nous traversons aujourd’hui», prévient la lettre.
Cependant contrairement aux rumeurs qui courent, les trois juges n’ont pas encore saisi la Cour suprême pour une éventuelle annulation du décret d’abrogation du chef de l’Etat. Chose qui pourrait intervenir au cas où le président de la République ne donnerait pas une suite favorable au «recours gracieux.»