Le bras de fer entre la CEDEAO et l’Alliance des Etats du Sahel (AES), Mali-Niger-Burkina, alimente les rumeurs notamment celle relative à l’imposition de visas aux ressortissants des trois pays pour voyager dans l’espace de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.
« Circulation des personnes : la CEDEAO impose des visas aux ressortissants du Mali, du Burkina Faso et du Niger », a titré, le 7 juillet dernier, 24heuresinfo.com. Trustmag.net, un autre site en ligne a également écrit dans un article : « à l’issue de ce sommet, les dirigeants membres de la CEDEAO ont pris certaines mesures à l’encontre des ressortissants de l’Alliance des Etats du Sahel et ainsi que les intérêts de ces trois pays dans le secteur des investissements. En effet, selon le communiqué de la CEDEAO les citoyens de la zone AES auront désormais à mener des démarches en vue de l’obtention d’un visa avant de voyager dans l’espace CEDEAO, sans préciser quand la mesure pourrait prendre effet ».
Après vérification, ces informations ne sont pas exactes. Elles ont été tirées d’une séquence d’une vidéo du président de la Commission CEDEAO, Omar Alieu Touray, qui a été déplacée de son contexte aussi bien par des médias que par des internautes. Comme en témoignent la capture d’écran ci-dessous.
Dans les faits, il ne s’agit pas d’une décision prise par la CEDEAO à l’issue de son 65ème sommet ordinaire mais plutôt l’alerte donné, au cours de la cérémonie d’ouverture dudit sommet par le président de la Commission, sur les potentielles conséquences du retrait des trois pays sur leurs populations.
Selon le diplomate, en cas d’effectivité du retrait des trois pays de la CEDEAO, certaines des conséquences seraient l’obligation pour les ressortissants de l’AES de prendre un visa pour voyager dans la sous-région et l’impossibilité pour eux de «résider ou de créer librement des entreprises dans le cadre des mesures mises en place» de l’organisation. S’y ajoutent l’impossibilité de faire usage du passeport et de la carte d’identité biométrique CEDEAO, l’arrêt ou la suspension des programmes et projets mis en œuvre par la CEDEAO dans les trois pays d’une valeur estimée à 500 millions de dollars américains ainsi que la perte du soutien diplomatique sur la scène internationale, entre autres.
Ces implications du retrait avaient été précédemment soulignées dans le communiqué final du sommet extraordinaire du 24 février 2024 de l’organisation. Elles n’ont pas été transformées, le 7 juillet dernier, en décision par les Chefs d’Etat ouest-africains et ne figurent nulle part dans le communiqué final issu du 65ème sommet ordinaire, tenu à Abuja.
Toutefois, conformément à l’article 91 du Traité révisé de la CEDEAO de 1993, ces mesures pourraient automatiquement entrer en vigueur après l’expiration du délai d’un an prévu pour l’effectivité du retrait d’un Etat membre de l’organisation. Sur cette base, le retrait des trois pays de la CEDEAO sera effectif le 28 janvier 2025 car ayant notifié leur décision de retrait au Secrétariat Exécutif le 29 janvier 2023. Cela, même si les trois pays ont confirmé, le 6 juillet dernier, à l’issue du sommet des Chefs d’Etat de l’AES, « leur retrait irrévocable et sans délai de la CEDEAO » et acté la création de la Confédération des Etats du Sahel avec comme président exercice pour un an le président de la Transition du Mali, le Colonel Assimi Goïta.
De plus, la CEDEAO a plutôt privilégié l’approche du dialogue avec la désignation du président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye comme « Facilitateur dans les discussions entre la CEDEAO et l’AES » en collaboration avec le président togolais Faure Gnassingbé. Umaro Sissoco Embalo, président Bissau-guinéen s’est aussi proposé pour «soutenir les discussions, particulièrement avec le Burkina Faso».
M. CAMARA