Le directeur pays d'Educo Mali en train de mettre un sac à un élève @Educo Mali
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Aide à l’éducation : Educo dénonce le manque de financement

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À l’occasion de la Journée internationale de l’éducation, l’ONG Educo dénonce le manque de financement destiné à l’éducation des enfants et des adolescents dans les contextes d’urgence humanitaire. « Les urgences humanitaires sont toujours plus nombreuses dans le monde. Elles sont par ailleurs plus complexes et de plus longue durée. Nous parlons, entre autres, de guerres ou de catastrophes causées par la crise climatique. Dans de telles situations, le droit des enfants à l’éducation n’est pas garanti », déclare Pilar Orenes, directrice générale d’Educo. « Lorsque des bombes ont détruit votre école, lorsque vous avez dû fuir avec votre famille à cause de la violence ou lorsque des pluies torrentielles ont dévasté votre communauté, votre droit à l’éducation part en fumée. Sans un engagement international accru et si les pays n’augmentent pas leurs investissements, des milliers d’enfants dans le monde seront laissés de côté », ajoute-t-elle.

Actuellement, au niveau global, 3% des fonds humanitaires sont alloués à l’éducation dans les situations d’urgence. Educo estime toutefois que ce pourcentage devrait atteindre 10%, comme le préconise la Campagne mondiale pour l’éducation, dont l’ONG fait partie et dont elle coordonne l’action en Espagne. « Dans les situations d’urgence humanitaire, l’éducation a tendance à être reléguée au second plan. Il est certes évident que l’alimentation et la protection des enfants doivent être assurées en premier lieu, mais l’éducation constitue également une urgence. En effet, si les enfants ne retournent pas en classe le plus tôt possible, le risque d’abandon scolaire sera plus élevé, de même que celui d’être victime du travail des enfants ou du mariage précoce. Cela est essentiel non seulement pour leur avenir, mais aussi pour leur présent. Se rendre à l’école, c’est retrouver une routine qui aide les enfants à faire face au quotidien dans un contexte de crise. C’est aussi rencontrer d’autres enfants et interagir avec eux dans un espace protégé », explique la directrice générale de l’ONG.

Au cours des dix dernières années, les pays donateurs ont augmenté leur financement de l’aide humanitaire accordée au secteur éducatif. En 2013, les contributions à l’éducation représentaient 1,9% du total des dépenses ; en 2022, elles s’élevaient à 2,9%. Concrètement, selon le Financial Track System du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), elles ont été multipliées par plus de quatre, passant de 163 à 721 millions de dollars. Cette augmentation n’est cependant pas de nature à couvrir les besoins toujours croissants. Avec l’accroissement du nombre, de la complexité et de la durée des crises, les besoins éducatifs ont été multipliés par six au cours de la dernière décennie, alors que la réponse des acteurs humanitaires n’a pas été proportionnelle. L’insuffisance du financement s’est aggravée durant les cinq dernières années, avec seulement 28,9% des besoins couverts en 2022. Cela signifie que durant cette période, 40% des enfants et des adolescents qui vivent dans des situations d’urgence n’ont pas pu poursuivre leurs études.

Face à cette situation, Educo demande que les engagements budgétaires en faveur de l’éducation dans les contextes d’urgence soient décuplés et portés à 10%. L’ONG demande également de reconnaître la nécessité de donner la priorité à l’éducation dans les situations d’urgence et donc aux fonds qui lui sont alloués, de mettre en œuvre des stratégies à long terme qui s’attaquent aux causes systémiques des crises afin d’en réduire l’impact et de promouvoir la paix, et d’accorder une place prépondérante à l’approche de genre. « L’éducation est l’outil clé qui permet aux générations futures d’être mieux préparées pour reconstruire leur pays de manière pacifique et durable. Il s’agit d’une composante fondamentale de la lutte contre la pauvreté et de la réduction de l’écart entre les genres. L’investissement en faveur de l’éducation dans des contextes de guerre, de conflits oubliés ou d’environnements dévastés par la sécheresse ou les tremblements de terre ne doit pas se limiter à assurer la reprise des cours et la formation des enfants et des adolescents. Il doit également inclure des programmes d’éducation accélérée pour celles et ceux qui ont manqué une partie de l’année scolaire, des soins de santé mentale et un soutien psychosocial pour les personnes mineures et le personnel éducatif, ainsi que des cantines ou des installations d’eau et d’assainissement. Les actions doivent être menées selon une approche fondée sur le genre qui veille à ce qu’une attention particulière soit portée aux filles et aux femmes, le groupe toujours le plus touché », conclut Pilar Orenes.

Depuis plus de 30 ans, Educo réalise des projets axés sur l’éducation en Europe, en Amérique latine, en Afrique et en Asie. Plusieurs de ses programmes sont actuellement développés dans des situations d’urgence, comme dans la région du Sahel, dans les camps de réfugiés rohingyas au Bangladesh ou encore en Ukraine. L’objectif de l’organisation est de garantir aux enfants impliqués dans ces activités l’accès à une éducation équitable et de qualité, même dans le contexte de crise dans lequel ils vivent.

Au Mali, en Afrique de l’Ouest, la crise du Sahel continue de faire rage. Depuis des années, l’insécurité qui sévit dans le pays, à laquelle s’ajoutent les conséquences du changement climatique, ont contraint des milliers de familles à fuir et à se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières. La guerre en Ukraine a encore aggravé la situation en provoquant une hausse des prix des denrées alimentaires dans toute la région. Ticoro a fui avec ses parents car son village n’était plus un endroit sûr. Dans sa communauté, il allait à l’école. Il vit désormais à Ségou, où il a eu l’opportunité de reprendre ses études dans son nouveau foyer. « J’aime retrouver l’école, mais mon village me manque. J’espère que nous pourrons bientôt retourner y vivre« , nous explique-t-il avec tristesse. Le cas de Ticoro est très similaire à celui d’Adama, un jeune garçon âgé de 8 ans. Adama vivait avec sa famille dans la région de Mopti, l’épicentre de la crise sécuritaire que connaît le pays, mais ils ont été obligés de se rendre dans la ville de Koro pour y trouver refuge. « Mes parents et moi, nous avons dû quitter notre village. Des hommes armés venaient régulièrement nous menacer et prendre notre bétail. Nos écoles sont fermées et le village est presque vide car personne ne s’y sent en sécurité« , nous dit Adama. Il est à présent scolarisé et a pu reprendre ses études, comme plus d’une centaine d’autres enfants. Selon l’OCHA, le budget nécessaire pour répondre aux besoins du secteur de l’éducation au Mali s’élevait à 59,4 millions de dollars pour 1,4 million d’enfants et d’adolescents en 2022. Basé sur le même schéma que l’année précédente, le financement actuel de 5 millions de dollars laissera de côté au moins la moitié des personnes mineures identifiées.

Pour Educo, les témoignages de Ticoro et d’Adama révèlent la réalité des enfants qui vivent dans des situations d’urgence et la manière dont leurs droits sont violés. C’est pourquoi l’ONG défend une fois encore la nécessité d’investir dans le droit à l’éducation. Il s’agit-là d’un élément clé pour remédier aux inégalités sociales qui découlent de toutes les crises humanitaires.