La seule décision qui pourrait amener la BECEAO à refuser ou à fermer ses guichets à un Etat membre, au regard de ses textes, est «l’exclusion de cet Etat membre » ou « son retrait de l’Union », à sa demande. Aussi, l’ensemble de ces décisions relève-t-il de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’organisation. C’est fort de ce constat que le Mali envisage de déposer un recours contre les sanctions économiques illégales et injustes, à lui imposées par la CEDEAO et l’UEMOA, à l’issue du sommet d’Accra du 9 janvier 2022. C’est du moins, l’information donnée par le Premier ministre, le Dr Choguel Kokala Maiga, dans une interview diffusée sur l’ORTM.
Pour le chef du gouvernement de la transition, le Mali a été illégalement sanctionné par les chefs d’Etat de l’UEMOA et de la CEDEAO, le 9 janvier dernier, avec le gel de ses avoirs à la BECEAO et la fermeture des frontières avec les Etats voisins. Par conséquent, notre pays va demander que justice soit faite. Car, aucun texte de l’UEMOA, encore moins le Statut de la BECEAO, ne prévoit des sanctions contre le Mali en crise ! En effet, l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), constituée entre les Etats signataires, se caractérise par la reconnaissance d’une même unité monétaire dont l’émission est confiée à un Institut d’émission commun prêtant son concours aux Etats membres dans les conditions bien précisées. (Article 2 du Traité).
Et l’Article 4 du même traité précise : « Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions qui leur sont conférées par le Traité de l’UMOA et par les présents Statuts, la Banque Centrale, ses organes, un membre quelconque de ses organes ou de son personnel ne peuvent solliciter, ni recevoir des directives ou des instructions des institutions ou organes communautaires, des
Gouvernements des Etats membres de l’UMOA, de tout autre organisme ou de toute autre personne. Les institutions et organes communautaires ainsi que les Gouvernements des Etats membres de l’UMOA s’engagent à respecter ce principe… ».
Selon des propos d’experts, les Textes de l’UMOA notamment le Traité instituant l’Union Monétaire Ouest Africain et les Statuts de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest n’ont pas prévu de façon explicite de sanctions, sous forme d’embargo économique et financier, à l’encontre d’un Etat membre.
Selon lui, la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres est « l’autorité suprême de l’UMOA » (Article 6). Dans le cadre de ses délibérations, la conférence peut prendre des décisions dénommées « actes de la conférence » (Article 8) avec toutefois une portée circonscrite (voir Article 7).
En effet, ce dernier article énumère tous les points de décisions relevant de la conférence des Chefs d’Etat en des termes présentés ci-après : (1) définition des orientations de la politique de l’UMOA ; (2) l’adhésion de nouveaux Etats membres, l’exclusion d’un Etat membre et le retrait d’un Etat membre ; (3) fixation du siège de l’Institut d’émission ; (4) toute question n’ayant pu trouver une solution par accord unanime du Conseil des Ministres.
« A l’analyse, un embargo économique décidé par les Chefs d’Etat et de Gouvernement, applicable à un Etat membre souverain, est assimilable à une violation délibérée du Traité de l’UMOA et des Statuts de la BCEAO, se fondant essentiellement sur l’appartenance à une union monétaire à laquelle l’Etat membre a transféré, en toute connaissance de cause, son pouvoir de battre monnaie et toutes décisions qui lui sont attachées », explique-t-on.
Au regard de ces argumentaires, la BCEAO est totalement en porte-à-faux avec ses Statuts, pour toutes applications de décisions autres que celles portant sur « ses objectifs et missions ». Ainsi, selon l’article 8 de ses Statuts, « l’objectif principal de la politique monétaire de la Banque Centrale est d’assurer la stabilité des prix ». « Sans préjudice de cet objectif, la Banque Centrale apporte son soutien aux politiques économiques de l’UEMOA, en vue d’une croissance saine et durable».
En outre, en se fondant sur l’article 35 de ses Statuts, « la Banque Centrale tient sur les places, où elle est installée les comptes des Trésors publics des Etats membres », la BCEAO doit procéder sans frais à l’encaissement des sommes versées dans le compte du Trésor, au recouvrement des effets et chèques sur place, tirés ou endossés à l’ordre du Trésor public, au paiement des chèques et virements émis sur le compte du Trésor, aux transferts effectués sur ordre ou en faveur du Trésor publics.
« Un embargo économique et financier à l’encontre d’un Etat membre de l’UMOA, comme l’ont décidé la CEDEAO et l’UEMOA, produit inexorablement des effets inflationnistes qui contrastent avec les objectifs et missions visés par la BCEAO. En conséquence, il importerait de conclure que toutes décisions non-conformes aux Statuts de la BCEAO et au Traité fondateur de l’UMOA ne peuvent être exécutoires légalement à l’encontre d’un Etat membre. La seule décision qui pourrait amener la BCEAO à refuser ou fermer ses guichets à un Etat membre, au regard de ses textes, est « l’exclusion d’un Etat membre » ou « le retrait d’un Etat membre de l’Union » à sa demande, décisions relevant toutes de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement », précise l’expert.
Par ailleurs, il y a lieu de souligner que les décisions de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union, dénommées « Actes de la conférence » sont prises à l’unanimité des membres (confère l’article 8 du Traité de l’UMOA). De ce fait, toutes décisions relevant de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement exigent l’unanimité des membres et donc la participation ainsi que l’adhésion du Mali à la décision. Toutes décisions contraires à l’unanimité des membres sont illégales par rapport aux « actes de la Conférence ».
De ces explications, on comprend aisément tout le caractère illégal des décisions prises contre le Mali, ce 9 janvier par les chefs d’Etat de la communauté. Puisque notre pays, en tant que membre de l’UEMOA, n’a nullement été associé aux décisions prises.
Que nul ne se méprenne donc, c’est sous l’impulsion d’une CEDEAO téléguidée par des puissances étrangères que l’UEMOA a violé ses propres textes en acceptant de sanctionner le Mali. Légaliste jusqu’au bout, le Mali, selon le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga, va déposer une plainte contre les sanctions économiques imposées par la CEDEAO et l’UEMOA.