La résolution 1325 des Nations-unies a exhorté les États membres à assurer une plus grande représentation des femmes à la prise de décision dans les institutions et les mécanismes nationaux, régionaux et internationaux en vue de la prévention, de la gestion et du règlement des différends. Elle a demandé aux parties aux conflits armés de prendre des mesures spéciales pour protéger les femmes et les filles des actes de violence pendant les guerres et de leur donner la possibilité de participer aux processus de paix afin de trouver des solutions à long terme. Au Mali, selon un document de plaidoyer de (l’ONG WIDAF-Mali) elles ne sont que 2,50% dans les mécanismes de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Que peuvent-elles changer dans le retour rapide à la paix et le vivre ensemble dans un pays rongé par 10 ans de crise politico sécuritaire ?
Suite à la crise multidimensionnelle qu’il a connue, en 2012, le Mali a signé un accord de paix avec des groupes armés qui occupaient la partie septentrionale, en 2015, à l’issue d’un long processus de dialogue, à Alger, sous l’égide de la communauté internationale. Six ans après, le processus de paix s’enlise. Les parties s’accusent mutuellement de violer leur engagement alors que chaque jour qui passe apporte son lot de souffrance à la population prise en otage par des groupes armés qui leur dictent leur loi. Pourquoi, la paix tarde-t-elle à se concrétiser, malgré tous les efforts des autorités nationales et de la communauté internationale ?
La prise de conscience
De plus en plus, des voix s’élèvent pour dénoncer une mise à l’écart des femmes dans les mécanismes mis en place pour le retour rapide au vivre ensemble.
Prenant conscience de la mise à l’écart des femmes dans le processus de paix au Mali, l’unité Genre, la section Médiation, la division des Affaires Civiles et celle des Affaires Politiques de la Mission multidimensionnelle des Nations-Unies au Mali (Minusma), en collaboration avec Onu-Femmes, ont soutenu l’Atelier national de réflexion sur la participation des femmes dans la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, les 22 et 23 janvier 2020, confie une source de la Minusma. Au cours de ces assises, les participants ont défini les modalités de l’inclusion effective des femmes dans les mécanismes de mise en œuvre de l’Accord et de la création d’un observatoire des femmes.
« La 38e session du Comité de suivi de l’accord (CSA) pour la paix et la réconciliation nationale à Bamako le 27 février 2020, a recommandé l’inclusion des femmes dans les mécanismes de mise en œuvre de l’accord y compris le CSA », selon notre source.
Plus d’une année après ce rendez-vous, le constat est loin d’être reluisant.
Si tout le monde est unanime que les femmes sont incontournables dans le processus, notre source estime que le changement est un processus qui prend du temps, surtout quand il est question de bousculer des valeurs culturelles et religieuses profondément ancrées.
Concilier les intérêts
L’ancienne ministre de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Bintou Founè Samaké, se dit convaincue, que le pays aurait pu mieux faire si les femmes étaient plus présentes dans les différents mécanismes de mise en œuvre de l’accord pour la paix.
« Lorsque les femmes participent au processus de paix, c’est toute la société qui en bénéficie», a mentionné la ministre Bouaré en s’appuyant sur la session tenue à Kidal où les femmes participaient pour la première à un rendez-vous du CSA.
A cette session, a-t-elle indiqué, les femmes se sont battues pour empêcher des vendeurs d’illusions de tourner en rond. Car pour elle, c’est le calvaire des populations qui manquent de tout, celui des déplacés qui ont fui les violences armées et qui ont envie de revenir, qui priment.
«Pendant que les représentants de ces groupes signataires parlaient de réinsertions de combattants, des engagements du gouvernement ou de tel ou tel groupe, nous, on se focalisait sur la situation des populations. Au bout du compte, je crois qu’on a abouti à des résultats encourageants lors de cette session », selon la responsable de Wildaf-Mali.
Mme Diawara Lady Touré, (présidente du bureau des femmes du Rassemblement pour le Mali (RPM)), estime également que la femme est au centre de tout, leur exclusion ou sous-représentation dans les mécanismes de mise en œuvre de l’accord pour la paix au Mali ne saurait être tolérée.
« Elle est au cœur du développement, dans le foyer, dans le quartier et même dans une nation, par conséquent, son implication, est obligatoire à tous les niveaux du processus de développement d’un pays», revendique-t-elle.
« Sans les femmes, point de paix »
« Si elle n’est pas impliquée dans les mécanismes de mise en œuvre de l’accord, nous attendrons longtemps pour l’effectivité de ce processus paix. Parce que les acteurs sont » nos maris, nos enfants, nos frères », ils auront toujours une oreille attentive à ce que nous leur disons. Donc, sans une implication effective des femmes dans les mécanismes de mise en œuvre de l’accord, la paix restera une illusion au Mali », a-t-elle mis en garde.
Selon la présidente des femmes du parti du Tisserand, les autorités prennent souvent le plaisir de mettre toujours au second plan les engagements des femmes même s’il s’agit de l’intérêt supérieur de la nation.
« Moi j’ai conduit une délégation du bureau national des femmes du RPM, à la Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW), le principal organe intergouvernemental mondial dédié exclusivement à la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. Nous avons fait un plaidoyer pour les femmes sur les violences subies par elles lors de l’occupation du Nord. Nous étions avec les femmes de l’internationale socialiste et nous avons annoncé fièrement, le vote de la loi 052 de décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et élective au Mali. A présent, ce texte est piétiné par nos autorités. Même le PM actuel qui avait promis de nous soutenir dans nos revendications, nous a oubliés. En tout cas, je demeure convaincue que pour un retour rapide et définitif de la paix au Mali, il faut que les autorités et la communauté internationale se mobilisent pour une implication effective des femmes dans les mécanismes de mise en œuvre de l’accord pour la paix , conformément à leurs engagements», a-t-elle mis en garde.
Relever le niveau d’instruction des femmes
Mme Tamboura Mah Keita, une autre femme battante du Mali estime que les femmes représentent plus de la moitié de la population, au Mali. Aussi, constituent-elles des vecteurs de paix par excellence et de changement.
Par ailleurs, Mme Tamboura, non moins présidente des femmes du Parti pour la renaissance nationale (PARENA) soutient que les femmes du Mali sont victime d’exclusion dans notre société. Ce qui s’explique par leur faible représentativité dans les instances de prise de décision du pays, comme c’est le cas dans les mécanismes de mise en œuvre de l’accord pour la paix. Cette situation, est-elle convaincue, a très certainement impacté de façon négative sur la mise en œuvre de l’accord pour la paix issu du processus d’Alger qui continu de trainer six ans après sa signature par les parties maliennes et la communauté internationale.
Sur la question, Mme Tamboura Mah Keita a regretté niveau d’instruction faible chez les femmes, d’une manière générale. Toute chose qui impacte négativement leur influence dans différents secteurs socio-économiques et politiques.
« Les femmes manquent aussi d’éducation et surtout de confiance en elles-mêmes. Un vieil adage de chez nous dit que: « si tu n’as pas confiance en toi même, qui va avoir confiance en toi ». C’est d’ailleurs, dans ce cadre que j’ai initié beaucoup de formations en faveur des femmes en Agro-alimentaire (qui constitue leur domaine privilégié), afin de renforcer leurs capacités et d’élever leur niveau de confiance en elles-mêmes », a-t-elle conclu.
« Ce reportage est publié avec le soutien de JDH, Journalistes pour les Droits Humains et National Endowment for Democracy – NED ».