Le rapport de la Mission des Nations-Unies pour le Mali (MINUSMA) sur la frappe controversée de la force Barkhane dans la localité de Bounty rendu public ce mardi 30 mars confirme la thèse d’une bavure. Une accusation rejetée aussitôt par la France.
La force antiterroriste au Sahel, Barkhane, a-t-elle tiré, le trois janvier dernier sur des civils regroupés dans la localité de Bounty, à l’occasion d’un mariage ? La ‘’mission spéciale d’établissement des faits du 4 janvier au 20 février 2021’’ effectuée par la MINUSMA affirment l’assassinat des civils par Barkhane.
Selon les conclusions résultats de cette enquête, ce 30 mars 2021, 22 personnes ont été tuées par Barkhane sur lesquelles, 19 l’ont été directement par la frappe, dont 16 civils, tandis que les trois autres civils ont succombé des suites de leurs blessures au cours de leur transfèrement pour des soins d’urgence. Au moins, huit autres civils ont été blessés lors de la frappe, selon l’enquête. Les victimes sont tous des hommes âgés de 23 à 71 ans, dont la majorité habitait dans le village de Bounty, poursuit-elle.
Des présumés djihadistes sur les lieux
Toutefois, le rapport reconnait que parmi la centaine de civils présents sur les lieux de la célébration se trouvaient ‘’cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma’’. Pire, selon les rapporteurs, la célébration a rassemblé environ une centaine de personnes, le 3 janvier 2021 entre 9h00 et 15h00 dans la zone semi-arborée sur un lieu non usuellement utilisé pour ce genre de cérémonie : « Ce lieu n’était pas usuellement utilisé pour les mariages. Il a été proposé par certains membres de la famille du marié, selon des témoins. Ces derniers ont expliqué que la zone semi-arborée, située à 1 km équidistant des habitations et des hameaux de culture était en effet plus adaptée aux conditions climatiques et au nombre de convives ».
Au terme de ses travaux sur le terrain et à l’analyse des témoignages recueillis, la Minusma confirme la thèse de la bavure dénoncée par des organisations de la société civile, depuis les premières heures de la frappe.
« Au terme de l’enquête, la MINUSMA est en mesure de confirmer la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma. Au moins, 22 personnes, dont trois des membres présumés de la Katiba Serma présents sur le lieu du rassemblement, ont été tuées par la frappe de la Force Barkhane survenue le 3 janvier 2021 à Bounty », peut-on lire dans le document rendu public par l’ONU ce 30 mars 2021.
Le rapport donne plus de détails sur la particularité de ce rassemblement lorsque les rapporteurs affirment : « Au moment de la frappe, les femmes, les filles et les enfants en bas âge étaient réunis au niveau des hameaux de culture, autour de la cuisine, et préparaient le repas de mariage. Par conséquent, le rassemblement, exclusivement composé d’hommes et d’adolescents était réparti par âge et affinités en sept groupes, espacés de quelques dizaines de mètres chacun. Il n’y avait notamment ni musique, ni danse, ni signes extérieurs et manifestes festifs ».
La France maintient sa première version de fait
Aussi publié, la France dans un communiqué rejette le résultat du rapport de la MINUSMA en précisant que la frappe avait visé un « groupe armé terroriste formellement identifié comme tel et qui était constitué « d’une quarantaine d’hommes adultes dans une zone isolée».
Le communiqué a catégoriquement exclu « la présence de femmes ou d’enfants » dans la zone observée pendant plus d’une heure et demi et indique que « l’ensemble des éléments renseignement et temps réel ont permis de caractériser et d’identifier formellement ce groupe comme appartenant à un GAT ».
Si elle n’exclut pas la présence de civils armées sur les lieux, la Minusma semble se baser sur les règles internationales de protection des civils applicables en la matière qui demeurent que’’ la présence de combattants parmi la population civile ne prive pas cette population dans son ensemble de son caractère civil et de sa protection contre les effets des hostilités’’.
De son côté, le ministère des Armées, qui a salué les efforts de la mission onusienne, reste sceptique quant à la qualité des témoignages locaux ‘’non vérifiables’’ et des hypothèses non étayées’’ à pouvoir constituer des renseignements robustes pour étayer des faits dans de telles circonstances.
Le ministère des armées françaises reste convaincu que la force Barkhane, ce 3 janvier 202, a visé une cible terroriste : ‘’le ministère des armées maintient avec constance et réaffirme avec force que le 3 janvier, les force françaises ont effectué une frappe aérienne ciblant un groupe armé terroriste identifié comme tel’’.