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Covid-19 : « la stigmatisation ronge plus que la maladie elle-même »

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Après dix jours de combat contre le coronavirus, le plus dur pour Mountaga Diakité, l’un des guéris de la pandémie a été d’affronter le regard des autres. Il nous raconte son histoire.

« Ma situation était devenue le principal thème de débat dans le quartier, dans les grins. J’étais indexé partout où je passais », raconte Mountaga Diakité, les yeux rivés sur son ordinateur. Il est l’un des rescapés de la Covid-19. Chez lui, il nous aborde son séjour médical très décontracté. Son histoire a commencé par une forte fièvre, des maux de tête,une toux sèche et des courbatures. «  Au début, je pensais au paludisme dont le test a été négatif », explique Mountaga avant de se résoudre à faire celui du coronavirus.

« Le 2 mai vers 11 heures, un médecin m’a annoncé la nouvelle que je suis atteint de la Covid-19», se remémore-t-il. Coup de choc, il affirme rester inerte, sans voix. Dans son entourage, c’était aussi la panique et la terreur. Un moment très dur, déclare-t-il la gorge nouée. Ce jour, le jeune journaliste arrange son stylo et calepin pour rejoindre l’hôpital. Il est admis au centre de prise en charge des contaminés de la Covid-19 de l’hôpital de Point G.

Père d’un garçon de cinq ans, Mountaga Diakité, est placé sous traitement dans des conditions sanitaires très déplorables avec d’autres malades. Pendant deux semaines, affirme-t-il, « nous étions logés dans un bâtiment neuf, mais à l’intérieur les salles étaient dépravées et les toilettes sales ». Outre l’angoisse d’être atteint par une maladie ravageuse, ces situations rendaient leur séjour médical davantage insupportable. Les journées devenaient plus longues que d’habitude. « Je ne cessais  d’observer l’horloge. Le temps bouge à peine.  Le stresse était devenu mon premier compagnon », se souvient-il le regard pensif.

En une dizaine de jours, le journaliste trentenaire obtient son ticket de sortie de l’hospitalisation, le 13 mai, suite à deux tests négatifs au coronavirus. Sa chance : Amadou Traoré, Belco Ba n’ont pas bénéficié. Ceux-ci n’ont pas survécu à la pandémie.

Après son combat contre la Covid-19, commence pour notre confrère, celui contre la stigmatisation : affronter le regard des autres. « Des gens me portaient un regard étrange digne d’un rescapé. Tout cela me faisait mal, je subissais mais je devrais le supporter », indique-t-il faisant de geste de regret avec sa tête. S’il a pu supporter ces regards négatifs, le jeune Mountaga n’a pas aimé que ses proches soient également victimes. « Pendant longtemps, ma famille était indexée comme une zone interdite. C’est un véritable mal qui ronge les victimes de la Covid-19. Nous vivons sous le coup de deux pandémies différentes, celles du coronavirus et de la stigmatisation », fulmine-t-il.

Malgré la centaine de morts depuis le 25 mars 2020, les sceptiques ne croient toujours pas à l’existence de la maladie. Pour eux, c’est du ‘’coronavirus business’’. Une expression populaire pour indiquer que la Covid-19 est un deal des pays africains de lever des fonds auprès des bailleurs et des organisations internationales.

Notre ‘’rescapé’’sur ces allégations rétorque : « Je leur dis que la Covid-19 est belle et bien une réalité. Elle est parmi nous. Elle a déjà fait des milliers de centaines de victimes. Ce n’est ni le paludisme ni la grippe saisonnière. Elle a ses spécificités ». Aussi, il dément les informations selon lesquelles des gens sont payés pour simuler la maladie. « Je n’ai reçu aucun kopeck. Je n’ai pas vu non plus d’autres patients empochés de l’argent. C’est une pure imagination», affirme-t-il. 

Contre ces rumeurs et les intox autour de la pandémie, Mountaga Diakité a décidé à sa manière d’apporter son appui à la lutte et à la prévention contre la pandémie, à travers la sensibilisation. Très souvent, il indique se replonger dans ses souvenirs tristes et douloureux pour sensibiliser des citoyens. « Il m’arrive de m’inviter dans les débats pour couper court à des fausses informations. C’est une manière de contribuer à la sensibilisation contre la maladie car les rumeurs ont dominé la vraie information », explique-t-il. Ainsi, il se prête volontiers aux questions des certains curieux sur la maladie, le traitement, les conditions d’hospitalisation.

Cependant, il se réjouit que le Continent africain soit encore loin des pronostics de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Celle-ci avait prédit le pire pour l’Afrique au motif qu’elle ne dispose pas de structures sanitaires adéquates pour faire face à la pandémie. « Qu’à cela ne tienne nous devons rester vigilants en respectant les consignes de prévention contre la maladie », conseille-t-il, car des foyers de contamination existent toujours, a ajouté Mountaga. A ce jour, le Mali compte plus de 2800 cas positifs.

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