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Mali: L’ONU lève le voile sur les réseaux mafieux

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Au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Maroc, en Guinée Bissau, des experts de l’ONU dévoilent des réseaux de trafic de cannabis et de cocaïne dont les membres sont affiliés aux mouvements armés signataires de l’Accord pour la paix. La CMA, l’un des principaux groupes accusés, dénonce «un travail partial».  

«Parmi les réseaux criminels associés à la CMA et impliqués dans les convois de drogue, on trouve Mohamed Ag Akly, commandant régional du Mnla et Mahamadou Ag Attayoub, membre de la fraction des Ifergoumissen de la tribu des Ifoghas, qui agit au nom de Khalid Ag Mohamed, fils de Mohamed Ag Intallah». C’est un rapport d’experts commis par le conseil de sécurité de l’ONU qui lève le voile. Il a été rendu public fin février. La partie nord du territoire malien sert de base arrière aux trafiquants de drogue qui financent aussi le terrorisme. Du Mali, au Niger, en passant par la Mauritanie et la Guinée Bissau, plusieurs cargaisons de drogue, cannabis et cocaïne, ont été identifiés ou repérés. Les personnes impliquées dans ce trafic, indique le rapport, sont des membres ou protégés des groupes armés signataires de l’Accord pour la paix.

«Les autorités maliennes et nigériennes ont connaissance d’un convoi de drogue qui a traversé la région de Ménaka au Mali pour se rendre au Niger le 21 avril 2019. Il est arrivé à Arlit et, de là, est entré en Algérie à Assamakka. Étant donné que cela s’est produit deux jours après l’incident présumé à Tabankort (qui a eu lieu deux jours plus tôt), le convoi pourrait avoir été impliqué dans le détournement de drogues par Ag Asriw et Mahamadou Ag Attayoub», révèle le rapport.

Les experts onusiens détaillent, plus loin, dans leur document que «le 2 septembre 2019, les autorités bissau-guinéennes ont effectué une importante saisie de cocaïne de 1 947 kilogrammes, la deuxième de l’année». Parmi les auteurs arrêtés: six Bissau-Guinéens, trois Colombiens et un Malien. Cependant, le Groupe d’experts souligne n’avoir pas trouvé de preuves liant les cargaisons saisies à l’un des individus visés par les sanctions de l’ONU. Il s’agit de Mohamed Ben Ahmed Mahri, alias Rouggy. Un homme à la réputation sulfureuse déjà cité dans plusieurs affaires de trafic de drogue dont le transport de789 kilogrammes de cocaïne saisis le 9 mars 2019. Ce dernier, d’après les enquêtes de l’ONU, dispose de sociétés écrans au Niger, au Mali et en Algérie. Parmi lesquelles: Tilemsi Distribution.

« Nous sommes surpris de ces approximations »

«Mohamed Ben Ahmed Mahri est directeur de Tilemsi Distribution au Niger, tout comme son associé Ben Kazou Moulati. Ce dernier a été arrêté à Niamey dans le cadre d’une affaire d’expédition de 10 tonnes de résine de cannabis, dont une partie a été saisie. Le directeur de la société est Attaye Ben Ahmed Mahri, le frère de Mohamed, qui est également responsable de la société mère à Gao. Tilemsi Distribution est enregistrée en Algérie sous un nom légèrement différent, Tilamsi ou Taldis et les deux frères comme administrateurs», détaille le rapport.

La même source révèle que la Mauritanie aurait également intercepté deux des convois de drogue de Hussein Ould Ghaname, alias Guigoz, au second semestre de 2019. Aussi, les experts de l’ONU affirment avoir obtenu des renseignements sur «la saisie de 1 625 kilogrammes de résine de cannabis par le Front populaire pour la libération de la Saguía el-Hamra et du Río de Oro (Front Polisario) en juillet 2019 le long du secteur sud du mur du Sahara occidental, dit mur de sable». Et insinuent que les quatre hommes armés arrêtés dans le cadre de ce trafic se rendaient au Mali.

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Tandis que Sidi Ahmed Mohamed, l’associé de Ben Ahmed Mahri, a été arrêté près de la ville de Safim (Guinée-Bissau) à la suite de la saisie du 9 mars. Le document révèle aussi qu’en août 2018, celui-ci avait fondé la société d’import-export Siyama, au Niger. «Le Groupe d’experts a obtenu des relevés bancaires faisant état de plusieurs dépôts en espèces importants pouvant atteindre 25 millions de francs CFA et totalisant 140 millions de francs CFA  pendant la période du 21 août au 30 septembre 2019. En février 2019, avant de se rendre à Bissau, Sidi Ahmed Mohamed a retiré 40 millions de francs CFA (67 900 dollars). Cette somme a probablement servi à financer l’opération de trafic de drogue», peut-on lire dans le rapport qui incrimine plusieurs responsables des mouvements armés au Nord du Mali.

Mais de leur côté les groupes armés, notamment la CMA, remettent en cause la méthode de travail des experts onusiens.

«Nous sommes surpris de ces approximations. Il ne suffit pas de donner des noms, des dates pour affirmer la culpabilité d’un mouvement dans un trafic de drogue. Sur les 43 pages du rapport, une trentaine est consacrée à la CMA, et en aucun moment les experts de l’ONU ne nous ont rencontrés lors de leur enquête. Cela démontre le caractère partial de leur travail», s’insurge Ibrahim Ag Eouegh, porte-parole de la CMA.  D’après lui, la CMA rendra public, au plus tard en fin de la semaine prochaine, sa réponse avec des informations détaillées.

Cependant, selon lui, les «accusations» portées à leur encontre n’entameront en rien le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix. «Nous n’allons pas tomber dans ce jeu», a-t-il indiqué.

Lassina Niangaly

Major de la 3ème Promotion de la Formation en Alternance de l'Ecole supérieure de journalisme de Lille à Bamako en 2018, Lassina NIANGALY, 38 ans, est journaliste depuis août 2012 et Formateur aux techniques de vérification pour plusieurs organisations d'appui aux médias dont DW Akadémie. Entre 2020 et 2023 il a piloté deux projets médias au Mali et Niger au compte de CFI, Agence Française de développement média. Titulaire d'une maîtrise en Histoire-Archéologie et d'un Bac+5 en Histoire et Géographie, Lassina est à la base professeur d'enseignement secondaire.

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