Notre confrère de 32 ans, journaliste et responsable de projet à la Fondation Hirondelle, décédé en Centrafrique mi-juin, a été inhumé ce dimanche au cimetière de Kambila. Retour sur les circonstances du décès du jeune journaliste au parcours inspirant.
Kambila. Localité située à environ 5 km de Kati. Le ciel est gris ! La pluie se prépare. Sous une grande tente dressée pour l’occasion une foule silencieuse. A 9h passées d’une trentaine de minutes, le corbillard de la pompe funèbre transportant la dépouille de notre confrère s’immobilise. Sur les visages, la tristesse est lisible. Les yeux scintillent de larmes. Les portières du corbillard s’ouvrent. Amis, frères, parents, collègues peuvent dire leur dernier adieu. Sa jeune épouse, sa mère, ses frères et sœurs tous sous le choc viennent se recueillir, cœur brisé, visage tuméfié. « Mouhamadou a rejoint le monde de la vérité ». Mots empruntés au président de la Maison de la presse, Bandiougou Danté.
« Non, ce n’est pas possible ! Comment allons-nous annoncer cette nouvelle à sa famille ? » Ouboulé Abalo, représentant de la Fondation Hirondelle en Centrafrique rappelle ses premiers mots lâchés après la découverte du corps sans vie de Mouhamadou Touré dans son lit, le lendemain de la fête de Tabaski, 17 juin. La veille, le message de bonne fête et l’appel téléphonique de Ouboulé sont restés sans réponse. Le lendemain matin, il rappelle son collègue à plusieurs reprises. Le téléphone sonne mais Mouhamadou ne décroche pas. « Je me rends au service. On me dit qu’il n’est pas arrivé. Son bureau est fermé et son ordinateur est là. Ce qui m’a semblé bizarre », raconte Ouboulé. Son collègue se dépêche alors à son domicile, récemment loué, où il passait sa toute première nuit. Elle sera sa dernière nuit de sommeil dans ce bas monde.
« Arrivée sur place, je demande les nouvelles de Mouhamadou à son bailleur. Ce dernier me dit qu’il l’a vu hier matin et qu’il doit être certainement fatigué à cause des mouvements de la fête » rapporte Ouboulé. Et ajoute : « nous avons de nouveau sonné son téléphone. Il ne répond pas. Nous avons alors décidé de casser la serrure du salon. A l’intérieur, tout était bien rangé dans la maison. La première chambre était inoccupée. Nous avons retrouvé Mouhamadou dans la seconde chambre sur son lit comme s’il dormait. »
Un décès brusque et prématuré !
Informé, son oncle avec qui il avait communiqué le jour de la fête de Tabaski est interloqué. « Ma plus grande inquiétude c’était comment annoncer la nouvelle à sa mère et à son épouse » déclare Bessidi Diarra. Pour cause rappelle-t-il, « nous avons perdu le papa de Mouhamadou quand il avait juste 10 ans en 2002 à Dakar. Ma sœur qui est la maman de Mouhamadou traine encore les séquelles de cette perte. » « Mais à ma grande surprise, elle a accueilli la nouvelle avec la foi. Dieu a repris ce qu’il nous a confiés, m’a-t-elle répondu », rapporte-il. Et comme le sort peut être parfois cruel, le défunt aussi laisse derrière lui, une jeune épouse avec un bébé de six mois.
Une carrière professionnelle bien remplie
« Mouhamadou était une belle personne, un professionnel du journalisme exemplaire, une étoile du journalisme de la jeunesse africaine, de la Fondation Hirondelle. Il était brillant et lumineux » clame Espérant Mulumba, représentant de la Fondation Hirondelle au Mali. « Tu n’as pas embrassé le journalisme, c’est le journalisme qui est plutôt tombé amoureux de ton talent, cher Mouhamadou » renchérit le président de l’URTEL, Mamoudou Bocoum.
Un si jeune âge mais une carrière balaise. Mouhamadou fait d’abord ses débuts dans la presse écrite au journal Le Flambeau puis rejoint Studio Tamani en 2013 comme reporter alors qu’il avait à peine 21 ans. Très vite son talent plaide en sa faveur. Il gravit vite les échelons et devient une pièce maitresse du Studio Tamani, de la Fondation Hirondelle et une figure respectée de la presse malienne à travers son émission phare : le grand dialogue qui donnait la parole aux camps opposés dans un Mali en proie à une crise multiforme depuis 2012.
Ses collègues de la rédaction, retiennent de lui un homme rigoureux, exigeant avec lui-même et ses collaborateurs. « Vivacité d’esprit, écoute, curiosité, capacité d’analyse et d’adaptation, empathie Mouhamadou avait toutes ces qualités qui font les grands journalistes et les très belles personnes » rappelle Espérant Mulumba.
« Le corps est pour l’âme une enveloppe. Parfois, une vieille âme se retrouve dans une enveloppe neuve. C’était le cas de Mouhamadou » murmure l’administrateur général de la Maison de la presse, Mahamadou Talata Maiga pour décrire la maturité d’esprit du défunt.
On entendra plus cette belle voix, on ne verra plus ce sourire permanent qui illuminait le visage de Mouhamadou mais son brillant parcours marquera à jamais l’histoire de la presse malienne.
Adieu Touré !