Le directeur pays d'Educo Mali en train de mettre un sac à un élève @Educo Mali
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Educo : l’éducation, le meilleur moyen de mettre fin au travail des enfants

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9 juin 2023.- À l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants qui sera célébrée le lundi 12 juin, l’ONG Educo rappelle que dans le monde, un enfant sur dix âgé de 5 à 17 ans est victime du travail des enfants. Cela correspond à 160 millions d’enfants, dont près de la moitié réalisent un travail qui met en péril leur santé et leur vie. L’ONG rappelle également que tant qu’un seul enfant travaillera, il n’y aura pas de justice sociale dans le monde.

Selon les estimations de l’UNICEF et de l’OIT, 63 millions de filles et 97 millions de garçons travaillent, alors qu’ils devraient jouer et apprendre. De plus, l’augmentation des crises humanitaires et des conflits armés est un facteur aggravant, sachant que le risque de travail des enfants qui vivent dans de tels contextes est trois fois plus élevé que la moyenne mondiale.

Les progrès réalisés globalement pour éradiquer le travail des enfants sont au point mort. Si cette situation perdure et si aucune action collective urgente n’est mise en œuvre au niveau international, le nombre d’enfants qui travaillent alors qu’ils devraient fréquenter l’école ne sera pas sensiblement réduit, et les Objectifs de développement durable visant à éliminer le travail des enfants sous toutes ses formes d’ici à 2025 ne seront pas atteints. On estime qu’environ 140 millions d’enfants pourraient se trouver en situation de travailler en 2025, et 125 millions en 2030. Les chiffres les plus inquiétants concernent l’Afrique subsaharienne, où l’incidence est la plus élevée. Le travail des enfants y a augmenté au cours des dernières années et touche à présent 23,9% des enfants de la région.

Plus d’un tiers des enfants qui travaillent ne vont pas à l’école. La situation des enfants astreints à des travaux dangereux ne cesse par ailleurs d’empirer. Ils travaillent dans des mines, des usines, sans que les conditions de sécurité minimales soient respectées. Ce problème ne sera jamais résolu si les enfants ne peuvent pas se rendre à l’école. Afin de prévenir et de réduire le travail des enfants, il est essentiel de leur garantir à tous une éducation sûre, inclusive et de qualité. « Lorsqu’un enfant va à l’école, il acquiert des connaissances et des compétences qui lui ouvrent les portes d’un monde d’opportunités« , explique Laurence Cambianica, spécialiste de la protection de l’enfance chez Educo. « Il faut éduquer à la source, encourager le dialogue, stimuler l’écoute active auprès de tous les acteurs impliqués, et surtout auprès des enfants qui se trouvent dans cette situation. Il est temps de décupler nos efforts pour que les enfants prennent conscience de leurs droits et puissent se protéger et protéger les autres autour d’eux. Mais il nous faut aussi écouter et comprendre ce qu’ils nous disent, connaître leurs réalités et leurs expériences, les aider à tirer le meilleur d’eux-mêmes et soutenir leurs initiatives« .

Promouvoir un accès équitable à l’éducation, c’est promouvoir la justice sociale. En effet, si tous les enfants reçoivent une éducation de qualité, ils pourront devenir des citoyens qui participent à la société dans laquelle ils vivent, prennent des décisions éclairées et contribuent à la croissance économique et au développement de leur communauté, et donc de leur pays. Voici ce qu’affirme à cet égard Tenin qui, à l’âge de 12 ans, a pu retourner à l’école à Yangasso (Mali) :  » J’ai quitté l’école à l’âge de 12 ans pour partir à Bamako afin de chercher du travail pour l’achat de mes trousseaux de mariage. Grâce à l’appui d’Educo, j’ai pu retourner volontairement dans mon village pour poursuivre mon éducation « .

L’éducation doit être obligatoire jusqu’à l’âge auquel il est interdit de travailler. Les systèmes d’éducation doivent également s’adapter aux besoins des enfants qui réintègrent l’école après avoir travaillé, et assurer la continuité de l’apprentissage pour les adolescents qui veulent poursuivre leurs études. La formation professionnelle ou technique doit par conséquent être renforcée, de même que l’accès à un emploi sûr.

« Il est essentiel de donner aux enfants un espace où ils peuvent défendre leurs droits à l’éducation et à la formation, mais aussi à un travail digne, à savoir un salaire minimum, des conditions de sécurité, un horaire adapté à leur âge et à leur développement« , insiste Laurence Cambianica.

Educo développe des projets éducatifs avec des enfants travailleurs au Bangladesh, aux Philippines, au Bénin, au Mali et au Burkina Faso. L’ONG collabore avec les gouvernements et d’autres acteurs issus de la communauté, y compris les employeurs. Son objectif est de permettre aux enfants de s’instruire, même s’ils travaillent une partie de la journée, afin qu’ils disposent de davantage de connaissances et de possibilités, et qu’ils soient conscients de leurs droits.

Les enfants racontent leur expérience : « En apprenant un métier, on peut travailler pour soi-même« .

Mohim a neuf ans. Il travaille au Bangladesh dans l’élevage de crevettes et de crabes, et dans la transformation du poisson séché. Un travail dangereux, peu ou pas rémunéré, réalisé 10 heures par jour en plein soleil, exposé aux pesticides et qui nécessite le transport de lourdes charges. Mohim a dû abandonner l’école pour se mettre à travailler à la pisciculture, parce que ses parents sont malades et ne peuvent pas gagner leur vie. « Si Mohim ne travaille pas, nous mourrons de faim« , déclarait sa mère.

Grâce à la solidarité du voisinage et au soutien d’Educo qui a accompagné leur demande d’une aide gouvernementale, Mohim a repris l’école. Il joint désormais ses études à un emploi à temps partiel. « Je voulais retourner à l’école, mais je ne pouvais pas cesser de travailler à cause des difficultés financières de notre famille. Je suis le seul à gagner de l’argent« , explique Mohim. « Je vais essayer de poursuivre mes études et j’aimerais devenir enseignant plus tard« .

Anne est née au Burkina Faso. Alors qu’elle n’était qu’une enfant, elle est partie à la recherche d’un travail pour aider sa famille. Elle vivait dans une région où les conflits armés aux frontières et les conséquences du changement climatique ont contraint plus de 2,5 millions de personnes à fuir leur pays, ou à se rendre dans des zones plus sûres à l’intérieur du territoire. Ce contexte de chaos et d’insécurité constitue un terreau idéal à la multiplication de certaines pratiques néfastes, comme le travail des enfants.

Anne a dû accepter un emploi dans un restaurant où un horaire de 7 heures lui a été promis, de même qu’un salaire qui serait augmenté si elle travaillait bien. Mais la réalité fut tout autre : Anne a travaillé pendant trois ans, dont un seul a été payé, à raison de 14 heures par jour, de 6 heures à 20 heures, sans pause. Elle faisait la cuisine, la vaisselle, la lessive, nettoyait le local et servait les clients, en étant constamment maltraitée et humiliée. « Le propriétaire de l’établissement m’insultait tous les jours devant les clients. Ma vie était un enfer jusqu’à ce que je découvre le projet Respice d’Educo« .

Ce projet que nous développons à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, offre aux jeunes filles victimes d’exploitation par le travail une formation professionnelle pour apprendre un métier. Durant la formation, de la nourriture et un soutien psychologique sont fournis. À présent, Anne rêve d’ouvrir un atelier de fabrication de draps et de moustiquaires. « Ici, nous recevons une excellente formation. De plus, lorsque nous rencontrons un problème, nous pouvons toujours nous adresser à un superviseur qui nous écoute et nous aide. Je conseille aux autres filles de prendre au sérieux l’apprentissage d’un métier. C’est ce qui les aidera à s’épanouir dans leur vie future. Au lieu de travailler pour des gens qui passent leur temps à vous insulter devant les clients et qui ne vous paient même pas. En apprenant un métier, on peut travailler pour soi-même« .

Pour Educo, ces témoignages montrent la réalité des enfants travailleurs et révèlent comment leurs droits sont bafoués. C’est pourquoi l’ONG affirme une fois de plus que l’éducation est la clé pour mettre fin au fléau du travail des enfants.

Positionnement de Educo

En tant qu’ONG qui met en œuvre des programmes dans des pays où le travail des enfants est encore normalisé, Educo engage un dialogue avec les gouvernements, les communautés, les familles et les enfants concernés pour s’attaquer à ce problème systémique. « Nous devons lutter contre les violations des droits de l’homme dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, y compris le recours au travail des enfants », déclare Pilar Orenes.

 L’ONG plaide en faveur d’une éducation universelle et gratuite pour les jeunes enfants, en tant que mesure préventive contre le travail des enfants et en tant qu’outil efficace de lutte contre les inégalités et la pauvreté.

 Elle estime également que la loi devrait établir que l’âge minimum du travail coïncide avec l’âge de la fin de la scolarité obligatoire, à condition qu’il ne soit pas inférieur à 14 ans. « Nous pensons que tout travail qui empêche ou interfère avec la bonne scolarisation des enfants pendant la période d’enseignement obligatoire doit être éradiqué », déclare M. Orenes.

 Educo est une ONG qui prône l’écoute active des enfants. Educo estime que la voix des enfants concernés doit être entendue et que leurs expériences et leurs récits sont essentiels pour comprendre ces abus et les éradiquer.

 Orenes souligne que pour mettre fin au travail des enfants, il est également nécessaire de mettre fin à l’exploitation du travail des adultes : « Il faut mettre fin à l’exploitation du travail qui oblige les familles à chercher d’autres sources de revenus pour survivre et promouvoir le travail décent dans tous les pays ».

Educo est une ONG globale de coopération au développement, axée sur l’éducation, la protection et la participation de l’enfance. Elle intervient dans 14 pays à travers des projets auxquels participent plus de 900 000 enfants, adolescents et jeunes personnes.